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Aux prises avec Dieu
L’itinéraire théologique d’un protestant libéral

En 1966 (traduction française en 1970 au Cerf), l’allemand Heinz Zahrnt a publié un livre solide, clair et bien informé sur la théologie protestante durant le demi-siècle qui a suivi la première guerre mondiale ; il l’a intitulé Aux prises avec Dieu. Comme l’indique son titre, il y voyait un vaste débat sur Dieu. On peut discuter ce diagnostic : cette époque ne s’est-elle pas plutôt interrogé sur la nature de la foi et l’engagement chrétien ? Quoi qu’il en soit, ce titre rend bien compte de ce qui a été un des axes majeurs de mon travail depuis les années 50 : « comment penser Dieu ? ». Souvent, nous nous demandons : « comment dire Dieu, comment l’exprimer dans un monde sécularisé ? » Cette formulation ne me semble pas prendre la mesure du problème que nous rencontrons : il ne s’agit pas seulement de chercher un langage pour parler de quelque chose (ou de quelqu’un) de connu, mais de se mettre en quête d’une conceptualité qui permette de penser un être qui nous est largement inconnu ou méconnu, même si nous sommes, par la foi, en relation avec lui et même si la Bible nous en dit beaucoup de choses. L’effort qui s’est imposé à moi relève plus de l’exploration (j’expliquerai ce mot dans ma deuxième partie) que de la traduction.

Je ne vais pas présenter un exposé objectif ou un panorama neutre qui retracerait les débats sur Dieu depuis soixante ou cent ans. Je propose une approche personnelle, subjective, existentielle, en essayant d’éviter le récit de soi, dont, en bon réformé, je me méfie. Je voudrais dire, avec beaucoup de raccourcis, quelques simplifications et probablement une dose d’injustice (même si j’essaie de m’en garder), comment j’ai vécu ces débats, y ai réagi et me suis situé. J’ai hésité à le faire, car je ne suis pas sûr que mon itinéraire soit « représentatif ». Le retracer a-t-il un intérêt et une utilité quelconques ? Je n’en sais rien. Mais on me l’a demandé à plusieurs reprises ; à tort ou raison j’en ai pris le risque.

Trois grandes préoccupations ont orienté ma réflexion : celle du religieux, celle de la cohérence, celle de la conceptualité. Je les expose successivement, même si dans les faits elles ont été simultanées et demeurent entrelacées, nullement consécutives ni distinctes. Je ferai intervenir quelques éléments autobiographiques pour les expliquer et les éclairer.

 

1. Le religieux

1. J’ai vécu entre deux et vingt ans, en Afrique du Nord, en Algérie de 1935 à 1941 et ensuite plus longuement, de 1941 à 1953, au Maroc. J’ai grandi et été élevé dans un monde où les chrétiens formaient une toute petite minorité, où la communauté juive était sensiblement plus importante et où les musulmans constituaient l’immense majorité. Ils se référaient massivement et explicitement à Dieu qui, visiblement, jouait un rôle important et comptait beaucoup pour eux. Je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui ; à l’époque, il s’agissait, du moins nous le percevions ainsi, d’une religion (au sens de relation à Dieu) intensément vécue et pas seulement, loin de là, formelle ou sociologique. Si nous connaissions assez mal l’Islam, nous avions conscience que sa spiritualité, rayonnante, exigeante, s’inscrivait dans la vie quotidienne de toute une population et la marquait profondément de son empreinte. Nous en avions parfois peur, encore qu’il se montrait, en ce temps et en ce lieu, plutôt amical envers ceux qui se réclamaient d’un prophète et d’un livre, Abraham ou Moïse et la Torah, Jésus et le Nouveau Testament. Tout autant que de la crainte, il nous inspirait du respect. Il ne nous apparaissait ni comme une superstition ni comme une idolâtrie. Il nous amenait à nous interroger sur nous-mêmes, sur nos propres convictions et pratiques. Il nous rendait difficile de croire que Dieu se manifeste seulement en Jésus et qu'il n'y a de révélation que biblique, comme l’affirmait péremptoirement le manuel de catéchisme alors largement utilisé dans l’Église Réformée de France, celui de Roland de Pury (L’argile et le maître potier). La présence et l'action de Dieu en dehors et ailleurs ont été pour moi un fait d'expérience quasi évident.

Mon enfance et ma jeunesse marocaines m’ont amené à réfléchir sur Dieu à partir de deux questions à la fois distinctes et conjointes, à savoir celle d’une philosophie de la religion et celle d’une théologie des religions. Quand, en 1953, je suis venu en France pour des études en philosophie puis en théologie, je me suis aperçu que mes professeurs et mes condisciples ne s’inquiétaient guère de telles interrogations ; ils les trouvaient même plutôt saugrenues. Plus tard, j’ai constaté que mes collègues, pasteurs ou enseignants en théologie, ne se les posaient que rarement ; lorsque je les évoquais, ils considéraient qu’elles étaient dépourvues de pertinence. C’était le temps où dans la ligne d’une lecture plus ou moins fidèle de Karl Barth, on opposait radicalement la religion à la foi évangélique, où à la suite de Dietrich Bonhoeffer on cherchait les voies d’un christianisme non religieux, où on travaillait sur la sécularisation et où on voyait dans le christianisme « la religion de la sortie de la religion » selon la formule postérieure de Marcel Gauchet. On ne s’occupait de la religion que pour la disqualifier, l’éliminer et surtout en dissocier l’évangile. En souhaiter une approche plus positive passait pour une lubie qu’on me pardonnait volontiers, sans toutefois la prendre au sérieux. Il me semble qu’il n’en va plus ou qu’il en va moins de même aujourd’hui et qu’à cet égard les choses ont bougé.

Que recouvrent les deux expressions « philosophie de la religion » et « théologie des religions » que j’ai utilisées pour définir mon questionnement ?

2. En France, durant la première moitié du vingtième siècle, la philosophie de la religion a presque entièrement disparu des programmes aussi bien des Facultés de Théologie que des Faculté de lettres ; des Facultés de Théologie au nom de la totale altérité de Dieu et d’un sola scriptura radicalisé ; des Facultés de Lettres au nom d’une laïcité qui exclut ce qui serait susceptible de réintroduire et de légitimer le religieux.

Dans son acception classique, elle traite de deux grands problèmes. En premier lieu, celui du langage et de la conceptualité qui conviennent pour Dieu. Cette

 question, un temps écartée, a été réactualisée grâce à la démythologisation de Rudolf Bultmann, grâce à la théorie du symbole développée par Paul Tillich, grâce aussi aux travaux de Paul Ricœur sur le langage. Deuxième problème : celui de l’empreinte, de la trace, de la présence, de l’impact, de la « rumeur » (selon l’expression de Peter Berger) d’une transcendance ou d’un ultime dans l’intériorité humaine et dans le cosmos. On a vivement contesté la pertinence de cette seconde problématique durant le deuxième tiers du 20ème siècle. Elle resurgit actuellement chez quelques philosophes et scientifiques. Sans entrer dans les démarches et les thématiques, j’indique quels en sont, à mes yeux, les enjeux.

Premier enjeu : proposer une compréhension non réductrice d’un fait religieux tel que celui que j’avais constaté au Maroc en montrant que la religion n’est pas seulement un épiphénomène sans consistance propre qui relève entièrement de mécanismes psychologiques, sociologiques, ou historiques. On présuppose et on essaie de vérifier qu’elle a également une réalité ou une substance sui generis à expliciter autant que faire se peut.

Deuxième enjeu : mener une réflexion critique sur le langage religieux. La parole de Dieu se dit toujours dans des paroles humaines. Quand des hommes parlent au nom de Dieu, ce sont eux qui parlent et non pas Dieu, alors même qu’ils présentent leurs propos comme parole de Dieu, avec, peut-être, quelque chose de juste dans cette prétention (en un sens ils ont sinon raison, du moins de solides raisons de le faire). Ils parlent forcement de manière anthropomorphe (en fonction des structures de l’entendement humain) et culturelle (en utilisant des catégories ou des notions datées et situées). La philosophie de la religion a pour tâche de mettre à jour cette double caractérisation au départ inconsciente. En nous la faisant percevoir, elle lutte contre la dogmatisation irréfléchie du langage religieux. Elle permet de le relativiser. « Relativiser » veut dire éviter de lui conférer une autorité suréminente, de le diviniser, sans pour cela le disqualifier et lui dénier toute pertinence.

3. En ce qui concerne la théologie chrétienne des religions, à mon sens, elle se doit d’être critique, autrement dit, il lui revient de discerner aussi bien le négatif que le positif dans les religions. Dans les milieux qui pratiquent intensément l’interreligieux (je l’ai constaté pour avoir longtemps et activement participé à leurs rencontres, colloques ou congrès), très souvent on occulte le négatif dans une sorte d’optimisme naïf pour qui « tout le monde est beau, tout le monde est gentil ». On y oublie la face sombre, sinistre, satanique des religions ; on ne veut pas la voir. Des occidentaux sécularisés, au contraire, accusent volontiers les religions de tous les maux et multiplient des réquisitoires en général mal informés qui ignorent ou passent sous silence ses aspects positifs et bénéfiques.

Les chrétiens ont, en général, un peu moins aujourd’hui qu’il y a 30 ans, beaucoup de peine à percevoir la face lumineuse ou positive, des religions. Dans la plupart des cas, leur christologie les en empêche. Le christianisme classique a développé une compréhension de Jésus le Christ qui disqualifie tout autre voie (ou « voix ») que la sienne, comme s’il fallait que les autre soient nuls pour qu’il soit justement honoré. Les musulmans ont une haute estime de Jésus, ils est pour eux un grand prophète, mais ils nous reprochent de le diviniser. Les rencontrer et les écouter m’a incité à me demander si, chez nous, un christocentrisme légitime n’a pas dérivé en une « jésulâtrie » abusive.

Dans la seconde moitié du 19ème siècle, Max Reischle, un théologien germanophone, écrit : « sans Jésus je serais un athée ». J’ai le sentiment que beaucoup des pasteurs que j’ai croisés durant mon parcours auraient approuvé cette déclaration s’ils l’avaient connue. Que signifie-t-elle ? Ne fait-elle pas de Dieu simplement ou seulement une dimension de Jésus ?

Dans son célèbre débat de 1934-1935 avec Brunner, Barth récuse non seulement toute connaissance, mais aussi toute intuition, toute perception, toute approche de Dieu en dehors ou indépendamment de Jésus. Les dérives de la religiosité « allemande », plus ou moins pro-nazie, en plein développement alors, expliquent et justifient en partie la réaction tranchée de Barth. Peut-on la généraliser et l’appliquer à des contextes différents ? Je ne le pense pas.

En 1969, Daniel Lys et Michel Bouttier ont rédigé la confession de foi dite de Montpellier (elle commence ainsi : « pour le monde et pour moi, j’ai confiance en Jésus de Nazareth »), un beau texte écrit pour un culte particulier où d’autres textes liturgiques et une prédication l’entouraient. On a oublié le cadre où elle se situait initialement ; on l’a isolée de ce qui au départ l’accompagnait et l’équilibrait. Cette confession se réfère massivement à Jésus. Dieu y est implicite, sous-entendu, jamais nommé. Elle a été, certes, écrite en pensant à un monde athée, sécularisé où la transcendance apparaît comme une chimère. Elle n’en traduit pas moins la prégnance d’une spiritualité tellement centrée sur Jésus que Dieu n’y a de sens que dans la mesure où Jésus le mentionne. Dieu entre dans l’horizon de la foi uniquement parce qu’il fait partie du discours de Jésus. On pourrait presque dire qu’il n’a de consistance et de fonction que comme auxiliaire ou élément de la christologie. Certains des théologiens de la mort de Dieu ont suivi jusqu’au bout cette logique (qui n’était pas celle des auteurs de cette confession de foi, même si leur texte y a prêté). Ils ont concrétisé la prédiction de Freud que le christianisme, religion du Fils, pourrait bien aboutir à la suppression du Père.

Par contre, quand on sort, comme moi, d’un univers où Dieu est présent, lorsqu’on part de l’hypothèse que les religions sont, ou qu’il y a en elles, une présence et une action divines, le problème se retourne. C’est la christologie qui fait difficulté : quel rôle reconnaître à Jésus, quelle valeur lui attribuer si Dieu se manifeste et agit ailleurs ? À partir du moment où on met en cause son exclusivité, où on conteste son monopole, Jésus ne devient-il pas sinon inutile, du moins secondaire, mineur, accessoire ? Ne perd-il pas une grande partie de sa signification ?

Comment prendre au sérieux les autres religions et leur reconnaître une valeur ou une fonction révélatrice sans banaliser Jésus et le réduire à un homme de Dieu semblable à beaucoup d’autres ? Cette question m’a longtemps paru insoluble, jusqu’à ce que je découvre dans la théologie réformée une réponse intéressante avec la thèse de l’extra-calvinisticum. Cette thèse déclare que si le Logos ou le Christ se manifeste de manière exemplaire et normative en Jésus, néanmoins il se rencontre et agit aussi en dehors de lui. Selon sa formulation classique, Jésus est totus Christus, mais pas totum Christi (« totalement Christ, mais pas la totalité de Christ »). Il y a donc du Christ ou du christique en dehors de lui, même s’il est le Christ par excellence. J’ai exploré cette voix dans mon livre Parler du Christ, où j’assume un théocentrisme pour qui Jésus incarne (exemplairement pour moi, pas forcément pour tous et dans l’absolu) un Dieu qui le déborde largement. Le Dieu dont il est l’image, la figure, le représentant se révèle et intervient aussi en dehors de lui. Ce qui m’a conduit à plaider, au grand agacement de certains de mes amis, pour une revalorisation de la doctrine de la création, bien sûr en la démythologisant, en en proposant une interprétation structurelle, à la suite de Tillich, et dynamique, comme le fait la théologie du Process.

Voilà donc la première préoccupation qui a orienté ma recherche. Je la résume dans une phrase qui, si elle est apparemment simpliste, a néanmoins des implications complexes : pour réfléchir sur Dieu, à mon sens, il importe de ne pas écarter, mais au contraire de prendre en compte la religion et les religions.

 

2. Le souci de cohérence

1. Là aussi, je pars d’une expérience personnelle. La réalité objective, extérieure, de Dieu que j’ai constatée dans le monde de ma jeunesse m’a marqué et influencé parce qu’elle a rencontré en moi une conscience interne et intime de Dieu. J’ai toujours eu le sentiment d'une présence dans ma vie, qui m'accompagne et me mobilise, qui parfois me dérange et me bouscule, qui également me soutient et me réconforte. Cette conscience ne va toutefois pas sans interrogations ; j’éprouve fortement une nécessité intérieure de la penser et de la comprendre. Je ne peux ni ne veux en rester à un sentiment. Je porte en moi une exigence d’intelligibilité. L’évêque anglican John Robinson, l’auteur de ce Honest to God (traduit en français par Dieu sans Dieu) qui a fait beaucoup de bruit dans les années 60, et que Barth trouvait horrible, cite au début de son livre Exploration de Dieu, pour en expliquer le titre, cette phrase d’un quaker : « Je voudrais remplacer le mot de chercheur par celui d'explorateur ; nous ne cherchons pas l'Atlantique, nous l'explorons ».

Je me reconnais assez bien dans cette phrase. Je ne suis pas en manque ou en recherche de Dieu. Sa présence s'impose à moi jusque dans mes incertitudes et mes doutes. Si j’en ai, comme tout le monde, ils ne prennent pas chez moi une forme affective, existentielle, angoissée. Je n’ai jamais eu de moments de désespoir et d’exaltation, d’abattement et d’enthousiasme. Les pleurs et les gémissements, les craintes et tremblements, les cris de détresse, le frémissement d’effroi de l’âme dont parle un cantique, tout ce pathétique religieux m’est étranger. Mes difficultés sont beaucoup plus intellectuelles qu’émotives, elles ne se situent pas au niveau des tripes, mais à celui de la réflexion. Elles ne me secouent pas ni ne m’ébranlent, comme un tremblement de terre, elles me mettent en route et au travail. Mon problème et mon effort ont été de penser la foi (selon le titre d’un de mes livres). Comment conceptualiser Dieu et sa présence dans ma vie ? Je ne rêve pas d’un système auquel rien n'échapperait. Je n’ai jamais cru qu’il soit possible de tout déchiffrer, de tout connaître, de tout expliquer. Une pensée fragmentaire, discontinue, brisée, en petits morceaux, ne me suffit pourtant pas. J'aspire à une réflexion qui soit systématique, c’est-à-dire qui vise (même si elle la sait hors d’atteinte) une cohérence globale. Le mot grec sustema qui a donné « système » désigne les liens qui s’établissent entre divers éléments, les relations qui les articulent les uns avec les autres (ainsi, la souris, le clavier, le moniteur, l’unité centrale et l’imprimante d’un ordinateur, quand ils sont correctement reliés et fonctionnent forment un système). La recherche du système répond à la conviction qu’on ne comprend pas les choses séparément, isolément, mais ensemble, dans leurs interférences et leurs connexions positives ou négatives.

2. Ce souci d’une cohérence m’a détourné de deux courants théologiques qui ont joué un grand rôle durant de la deuxième moitié du vingtième siècle.

Premièrement, je n’ai pas adhéré à la tendance qui fait de la théologie une narration biblique répétée et commentée. À mon sens, parler de Dieu ne se borne pas à établir à partir des Écritures ce qu’on pourrait appeler sa biographie. Il importe, bien évidemment, de connaître, de raconter et d’interpréter les histoires du peuple d’Israël, de Jésus et des apôtres. Le travail des biblistes me parait indispensable (je pense par exemple à François Vouga et à Thomas Romer, les deux qui m’ont le plus apporté). Mais, contrairement à ce que le protestantisme pensait au dix-septième siècle, contrairement au sentiment profond des théologiens de l’histoire du salut d’après-guerre (tels Oscar Cullmann et Suzanne de Dietrich), il me semble que la théologie ne peut pas se limiter à une exégèse biblique informée et intelligente. Elle doit aller plus loin et élaborer une vision d’ensemble qui mette en correspondance ou en « corrélation », selon l’expression de Tillich, l’expérience croyante nourrie de la Bible avec ce qu’on sait et ce qu’on vit par ailleurs.

En second lieu, la quête de cohérence m’a éloigné des théologies du saut existentiel, de l'irrationnel et du mystère. Je leur reconnais une part de vérité. Nous vivons des discontinuités, nous nous heurtons à de l'inconnaissable, nous prenons des décisions que nous sommes incapables de fonder en raison. Spirituellement, nous passons en général par une « conversion », qui peut être progressive ou soudaine, spectaculaire ou discrète, mais qui, en tout état de cause, implique une coupure. Les théologies de la rupture ont raison de rappeler que l'univers n'est pas indifférencié. Il n’est cependant pas fragmenté. La doctrine de la création (qu’on doit, bien sûr, démythologiser) à la fois pose la diversité (en Genèse 1, Dieu sépare le jour de la nuit, le haut du bas, la terre de la mer, etc.) et implique l'unité essentielle ou, en tout cas, la cohésion ultime de l'être. La réflexion doit, me semble-t-il, aller aussi loin que possible dans la découverte de cette cohésion, même si elle ne peut jamais aller jusqu'au bout. À la différence de François Vouga (je signale ce désaccord dans la préface que j’ai écrite pour sa Théologie du Nouveau Testament), je vois dans le paradoxe non pas la clé pour penser la foi, mais une étape peut-être nécessaire, en tout cas provisoire. Nous ne pouvons pas au nom de sa transcendance nous dispenser de penser Dieu le plus rationnellement possible ; nous n’avons pas le droit de revendiquer une sorte d’inintelligibilité et d’absurdité principielles de la foi. Comme Tillich, je conteste la célèbre phrase du mémorial de Pascal : « Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, non des philosophes et des savants ». Il y a un seul Dieu, et si le Dieu d'Israël et de Jésus n'est pas aussi le Dieu de l'être et de l'univers qui peut se dire dans un autre langage que celui de la narration et du paradoxe, il n'est qu'une idole. Dans mon premier livre, un commentaire de L'entretien de Pascal avec M. de Sacy, j’ai d’ailleurs essayé de montrer que cette opposition n'exprimait pas la pensée dernière de Pascal. Certes, il a été conduit à la foi par une expérience ou une rencontre existentielle et non par la sagesse et la connaissance. Pourtant si sa foi ne relève pas de la philosophie et de la science, elle ne les élimine pas, elles les requiert plutôt, d’où le projet qu’il expose à M. de Sacy : celui d’une apologie dont les Pensées constituent les notes préparatoires.

3. Après avoir indiqué ce que le souci de cohérence m’a conduit à rejeter, je vais tenter de le caractériser plus positivement en précisant la notion d’intelligibilité. Dans un chapitre de mon livre Parler de Dieu, je distingue trois démarches, que j’ai nommées : « crédulité », « crédentité » et « crédibilité ».

J’appelle « crédulité », sans donner dans ce contexte un sens péjoratif à ce mot, une foi qui refuse et récuse par principe toute rationalité ou toute intelligibilité. Ainsi, pour le philosophe espagnol Miguel de Unamuno, Pascal croit parce qu’il veut croire, par une décision arbitraire que rien ne justifie, par un « pari » héroïque, en même temps sublime et insensé, admirable et déraisonnable. Je crois en Dieu, bien que la raison et l’expérience démentent ou disqualifient ma foi. Selon les formules de Luther reprises par une de nos confessions de foi liturgiques, je crois « malgré », « en dépit de », « contre » ce que je sais, ce que je vois et ce que je vis. Le credo quia absurdum, attribué à Tertullien, s’inscrit dans cette ligne.

Pour la deuxième démarche, je parle de « crédentité ». Ce mot rare, plutôt barbare, qui vient de la scolastique médiévale, désigne la nécessité, l’obligation impérieuse de croire en Dieu, parce qu’il s’impose avec évidence à qui réfléchit et regarde autour de lui. La réflexion savante démontre son existence, l’expérience courante la fait sentir, de sorte que ni rationnellement ni raisonnablement on ne peut la nier. Dans cette perspective, l’incroyant est un « insensé » selon le terme qu’Anselme de Cantorbéry emprunte au livre des psaumes. Insensé parce qu’il se refuse à l’évidence ; à certaines époques on l’a considéré et traité soit comme un fou soit comme un criminel (autrement dit, ou on l’enfermait ou on l’exécutait).

La troisième articulation, celle qui a mes préférences, se définit par la « crédibilité ». Ce terme correspond à ce que le sociologue Peter Berger appelle la recherche de « structures de plausibilité ». Selon Berger, pour la raison et l’expérience, Dieu n’est ni absurde ni démontrable. On peut élaborer quantité d’arguments pour ou contre, aucun n’est concluant. Dieu relève, selon une expression de la logique mathématique, de l’indécidable, de ce que le raisonnement et l’expérience ne permettent ni d’établir ni de récuser. Il est un possible à la fois invérifiable et irréfutable. Dans cette perspective, la volonté de cohérence ne conduit pas à s’efforcer de prouver Dieu ; elle se traduit par la tentative de montrer qu’il est une hypothèse crédible parmi d’autres et autant que d’autres ; elle n’est rationnellement ni gratuite ni extravagante. Dieu fait partie, selon une expression (que je n’aime pas beaucoup) de Berger, du « croyable disponible ». Dieu ne contredit pas la raison et l’expérience, comme dans la crédulité. On ne croit pas en lui parce que la raison et l’expérience y obligent comme dans la crédentité. On tisse des liens entre ses convictions et une compréhension globale et rationnellement possible de la réalité. Le dialogue en train de se renouer entre les sciences et la théologie se situe dans cette perspective.

4. Dans cette démarche théologique en quête de crédibilité, les catégories dominantes ou déterminantes ne relèvent pas du récit, de l’histoire racontée, comme pour les théologies de l’histoire du salut, mais de l'ontologie, autrement dit, d’une étude de la nature et des structures de l'être. La primauté de l’événementiel sur le structurel, qui caractérise les démarches existentialistes (elles m’ont un temps séduit sous leur forme bultmannienne) ne me satisfait pas.

Quand je parle d’une étude de la nature et des structures de l’être, il s’agit de l’être tel qu’il nous apparaît, tel que nous l’expérimentons. L’ontologie n’est pas une « métaphysique » qui traiterait d’un monde autre que celui que nous connaissons ou de réalités extérieures à celles que nous expérimentons. L’ontologie analyse l’être donné pour en découvrir la charpente sous-jacente. Je parle parfois de « phénoménologie ontologique » pour souligner ce point (on pourrait mettre cette démarche en lien avec le esse est percipere aut perciperi de Berkeley).

Privilégier l'ontologie ne signifie pas nécessairement écarter l’histoire ni adopter une conception statique de la réalité. On trouve une ontologie dynamique chez Tillich pour qui l'être est puissance créatrice en lutte contre les forces destructrices et chez Whitehead pour qui l'être se caractérise par le mouvement, le changement et des interactions dynamiques. Pour l’un comme pour l’autre, la temporalité est constitutive de l’être ; l’être n’est pas immobile, il ne demeure pas toujours fondamentalement identique à lui-même. Ces deux penseurs ont le mérite d’intégrer l’événement dans une ontologie, sans, pour cela, lui enlever son imprévisibilité et sa puissance novatrice. Ils m’ont permis de dépasser l’opposition entre une démarche existentielle et une systématisation ontologique, d’allier ce que je trouvais juste dans la première avec les exigences de la seconde.

 

3. D’autres catégories pour penser Dieu

J’en arrive à la troisième grande orientation de ma réflexion sur Dieu : la recherche d’autres catégories que celles dont on se sert couramment pour en parler et pour le décrire.

1. Comme dans les deux cas précédents, je commence par des souvenirs personnels, en l’occurrence ceux de ma découverte de Tillich et de la théologie du Process.

D’abord, Tillich. En 1966 la revue Études philosophiques lui consacre une notice nécrologique de deux ou trois pages qui attire mon attention, alors que j’en ignorais presque tout (j’en avais entendu vaguement parler). À l’occasion d’un déplacement à Paris, j’ai acheté un de ses livres, une des toutes premières traductions publiées en français, que j’ai lu durant les longues heures du voyage de retour. J’habitais alors Nîmes et le TGV n’existait pas encore ; je devais changer de train à Avignon ; ce que je lisais m’absorbait tellement que j’ai failli oublier de descendre pour ma correspondance (c’est bien la seule fois de ma vie, je suis en général un voyageur plutôt anxieux).

Pourquoi cet intérêt si vif et immédiat ? Durant mes études, j’avais travaillé sur Spinoza auquel j’ai consacré deux mémoires de maîtrise, l’un en philosophie, l’autre en théologie. J’en ai retenu une incitation à penser Dieu différemment. On se représente généralement Dieu comme une personne aux pouvoirs étendus, voire illimités, ayant en face de lui d’autres personnes (les hommes) et des choses (le monde). Le « théisme classique » conceptualise cette perception de Dieu qui voit en lui, comme l’écrit Tillich, un « soi qui a un monde » et un « je » en rapport avec des « tu ». Spinoza m’a fait sentir qu’il était souhaitable de le penser autrement, sans pour cela rompre avec les images bibliques (voir la première partie du Tractatus theologico-politicus, souvent négligée par les lecteurs de l’Éthique). Ce souhait sommeillait en moi. Un travail pastoral absorbant en Algérie pendant la guerre d’indépendance, puis à Dijon et enfin à Nîmes, à quoi s’ajoutait la préparation d’un doctorat qui comportait des exercices plutôt scolaires et assez chronophages, l’avait réduit à une aspiration dormante. Tillich l’a réveillé et m’a ouvert un chemin pour tenter de le concrétiser. Dans des pages qui continuent à me passionner, il développe les thèmes de l’être même, du fondement et de la puissance de l’être, de la tension entre être et non-être. Ces analyses ont fécondé et guidé ma réflexion, sans toutefois l’enfermer. D’ailleurs, aucun tillichien ne répète exactement et docilement les thèses de Tillich.

Ma découverte de la théologie du Process est un peu postérieure. Autour des années 70, on parlait beaucoup de la « mort de Dieu » pour s’en offusquer ou s’en délecter, sans trop se demander ce que recouvrait exactement cette formule. J’ai voulu aller voir de quoi il s’agissait. En lisant les auteurs, la plupart américains, qui se réclamaient de cette formule, je me suis senti en consonance avec leurs critiques de la doctrine classique de Dieu, mais pas du tout avec les alternatives qu’ils proposaient. S’il y a des représentations de Dieu qui, après avoir eu cours, s’écroulent, il ne s'ensuit nullement qu'il n'y en ait pas d'autres possibles et encore moins qu'on puisse nier Dieu. Pour prendre une comparaison simpliste, nous n'avons pas la même représentation du système solaire qu'au premier ou au seizième siècle. Personne n'en conclut que le soleil n'existe pas. Ceux qui, à l’époque, polémiquaient contre les courants de « la mort de Dieu » défendaient les conceptions traditionnelles et me paraissaient peu convaincants. Et voilà qu’au fil de mes lectures, je tombe sur un article de John Cobb qui exposait exactement mon opinion, à savoir que la faillite de la notion courante de Dieu ne signifie sa mort que s’il est impossible de le penser autrement. J’ai fait venir des livres de Cobb ; j’ai découvert ainsi la théologie du Process. Elle était ignorée en France ; je l’ai travaillée avec mon ami Bernard Reymond. Il serait trop long d’exposer les parentés et les différences entre Tillich et cette théologie (j’en indique quelques-unes dans mon livre Le Christ et Jésus et dans un article de la Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 1996/3 « Le débat entre Tillich et Hartshorne »). En fait, ces deux influences se croisent et se mêlent constamment en moi, même si celle de Tillich prédomine.

2. Quelle est cette autre conceptualité ? Il serait trop long de l’esquisser maintenant. Pour donner un minimum de consistance à mon propos, j’indique cependant quelques-uns de ses enjeux ou défis. J’en signale quatre.

Premièrement, elle doit prendre en compte les soubassements philosophiques des notions religieuses. Bien des impasses viennent de ce qu’on réfléchit avec des concepts qui ne sont pas pensés et qu’on manie de pseudo-évidences sans les examiner et les évaluer. De nombreux désaccords théologiques surgissent parce qu’on se fonde, sans toujours s’en rendre compte, sur des philosophies différentes. Un philosophe du Process, Lewis Ford, a montré que le même passage du prophète Ésaïe prenait des sens diamétralement opposés selon les préjugés ou postulats ontologiques sous-jacents et souvent inconscients du lecteur. Pour penser Dieu, il faut donc entreprendre une analyse et une critique des catégories dont on se sert, pour n’être pas piégé et enfermé dans des conceptualités qui pour être banales, courantes n’en sont pas moins discutables. En 1948, dans Christ et le temps, Oscar Cullmann conseillait aux chrétiens et aux théologiens de penser la notion de temps le moins philosophiquement possible ; je caricature un petit peu, mais bien des lecteurs (moi le premier durant mes années d’études) l’ont fait. Si on essaie de suivre ce conseil impossible et désastreux, on se prive de tout regard critique sur les catégories qu’on utilise ; loin de se libérer de la philosophie, on se fait l’esclave de celle qui domine.

Deuxième enjeu, la révision du dogme conceptuellement vide et existentiellement choquant de la toute puissance divine. Actuellement, il est battu en brèche dans les Églises. Quelques-uns ont tendance à le remplacer par le dogme inverse, à mes yeux tout aussi contestable, de l’impuissance de Dieu. Il nous faut, d’une part, découvrir que la puissance n’a de réalité et de contenu que dans son affrontement avec ce qui lui résiste, d’autre part parvenir à penser et à vivre Dieu comme une puissance qui n’agit pas sur les choses et les gens, mais en eux (voir l’article que j’ai publié dans Laval Théologique et philosophique, octobre 2006). 

Troisième enjeu, la mise en cause et le dépassement de la personnification ou de la personnalisation de Dieu tellement soulignée par notre tradition religieuse et théologique. J’éclaire ce propos par deux citations, la première de Ralph Emerson : « il y a une sorte de profanation à dire que Dieu est personnel. Je refuse la personnalité à Dieu, parce que c'est trop peu. » La seconde de Charles Wagner : « L’idée de dire de Dieu, qu’il est une personne, n’est jamais venue à aucun des auteurs connus ou inconnus qui ont écrit la Bible … Dieu ne saurait être une personne, mais est infiniment plus qu’une personne. » À la différence de Spinoza qui l’évacue purement et simplement, Tillich et les théologiens du Process voient dans la personnalité une dimension de Dieu : que Dieu ne soit pas une personne ne l’empêche pas d’être, par certains aspects, personnel. Le dogme trinitaire en a eu la juste intuition. En disant que Dieu est une substance en trois personnes, il affirme d’une part que Dieu n’est pas une personne, d’autre part, qu'il comporte ou inclut en lui des figures personnelles à travers lesquelles il se manifeste à nous. Il n’est pas moins mais plus qu’une personne, non pas infra mais supra personnel. Tillich et les théologiens du Process disent aussi que notre relation avec lui se vit sur le mode de l’interpersonnel. Je n’en suis pas entièrement convaincu. Ce qui entrave, jusqu’à parfois la rendre impossible, la prière ne vient-il pas de ce qu’on la conçoit uniquement dans le cadre d’une relation « je-tu », plutôt que d’y voir aussi et peut-être surtout une plongée en soi-même, où je prends conscience de ce qui m’est plus intime que mon propre « je », où je découvre qu’en moi il y a quelque chose d’autre et de plus grand que moi, quelque chose qui à la fois m’habite, me constitue et me dépasse ? Pour m’être intérieure, la transcendance n’en est pas moins une altérité. Si la prière a peut-être besoin du personnel, elle ne prend, me semble-t-il, toute son authenticité que si elle le dépasse.

Quatrième enjeu : apprendre à penser et à vivre Dieu non pas sur le mode du passé, de l’antériorité, de la détermination causale, de l’origine, mais sur celui du futur, du mouvement, du jaillissement du nouveau, d’une marche vers un ailleurs. Albert Schweitzer a écrit que l’évangile est « la prédication du Royaume qui est proche » et non « le drame rédempteur de notre dogmatique ». En accordant plus d'importance au passé et au souvenir qu'à une attente et une espérance actives, le christianisme a, selon lui, inversé ou renversé le message néotestamentaire. La prédication de la Croix a supplanté celle du Royaume, la proclamation eschatologique du projet de Dieu s’est transformée en enseignement archéologique sur des événements ou des actes à la fois initiaux et primordiaux. L’année liturgique enchaîne les commémorations ; elle néglige la célébration et l’appel de ce qui vient. De même, pour Tillich, l’annonce de l’être nouveau, de la nouvelle créature et du Royaume qui vient, constitue le cœur et la substance du message évangélique. Selon Cobb, le temps spécifique de Dieu, celui de son action et de sa présence, c’est le futur. Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux (l’imam en colère) adresse aux religions un reproche qui va loin : elles ressemblent, écrit-il, à des automobiles qui auraient un rétroviseur immense et un minuscule pare-brise. Nous avons besoin d’un rétroviseur, je suis très attaché à l’histoire ; néanmoins, s’il éclipse la lunette avant, on en fait un mauvais usage. Une réorientation, autrement dit une conversion ne serait-elle pas nécessaire ?

J’ai sommairement exprimé quelques-unes des questions et certains des enjeux qui orientent ma recherche d’une conceptualité capable de leur faire droit. Il s’agit d’une autre conceptualité, mais pas forcément d’une conceptualité nouvelle, inédite, à inventer ; il en existe bien des éléments dans un passé plus ou moins oublié, je pense par exemple à ce riche 19ème siècle qu’on a trop négligé. Hartshorne a intitulé un article consacré à Tillich : « l’autre grande tradition » ; il y souligne que cette autre conceptualité n’est pas une innovation ou une révolution ; elle a des racines, des sources, des élaborations dans des secteurs de la tradition qu’on a laissé péricliter.

 

Conclusion

Il y a quelques mois la revue Lumière et vie m’a demandé un entretien (mot plus joli qu’interview) qu’elle a publié sous le titre « Dieu ou l’embarras de la théologie ». Ce titre choisi par la rédaction, je l’ai accepté en ayant conscience de son ambiguïté. Dans un article de 1931, intitulé « la crise de la foi », Bultmann explique qu’il entend parler de la crise que provoque la foi, de la mise en question qu’elle opère, et non pas, comme on aurait pu s’y attendre, traiter de la crise que subit la foi, qui l’atteint et l’ébranle. De même, on peut comprendre, génitif objectif, que Dieu embarrasse la théologie parce qu’elle ne sait pas qu’en dire, qu’en penser, qu’en faire, ou bien, génitif subjectif, que Dieu vient troubler, brouiller, déranger nos affirmations et nos constructions théologiques. À mon sens, il ne s’agit pas de choisir entre ces deux compréhensions, mais de les tenir ensemble. Essayer de penser Dieu n’équivaut pas à légitimer et à consolider les théologies chrétiennes classiques. La réflexion sur Dieu déconstruit les conformismes, les dogmatismes et les traditions. Mon théocentrisme m’a conduit à m’interroger sur le bien fondé de la christologie, de l’autorité de la Bible, de la prière, etc. Ce n’est pas la mort de Dieu, mais le Dieu vivant qui m’empêche, contre ma pente naturelle, d’être orthodoxe et qui me rend foncièrement et de plus en plus radicalement libéral. Dans un propos que je reconnais volontiers exagéré et excessif (ce qui ne le disqualifie pas : dans une caricature il y a une part de vérité), je dirais volontiers que les doctrines généralement admises, considérées comme « orthodoxes », ne prennent pas Dieu vraiment au sérieux. Dieu pris au sérieux oblige à revoir et à réviser ces doctrines.

publié dans Théolib

André Gounelle

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André Gounelle

Professeur émérite de la faculté de théologie protestante de Montpellier

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