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Religion et violence

 

Cet article examine le lien entre religion et violence sous trois angles successifs : d’abord, du point de vue du citoyen qui tente de comprendre ce qui se passe aujourd’hui ; ensuite, dans une perspective de philosophie de la religion qui cherche ce qui dans la structure du religieux peut conduire aux excès du fanatisme ; enfin, une interrogation proprement théologique sur l’interprétation de la violence biblique.

Dans de nombreux cas, les religions servent de prétexte à la violence et n’en sont pas la cause principale. La violence les instrumentalise au service des appétits de pouvoir beaucoup plus souvent qu’elles ne l’utilisent pour atteindre leurs buts. Ce constat, s’il atténue leurs responsabilités historiques, ne les en exonère cependant pas. Incontestablement, elles suscitent ou aggravent des violences. Essayons de comprendre pourquoi et comment.

Pluralité et laïcité

Des vallées à la plaine

Commençons par les mutations que nous vivons. Pour les décrire, le théologien et philosophe anglais John Hick a proposé, il y a déjà trente-cinq ans, une parabole. Imaginons des profondes vallées séparées par de hauts sommets. Dans chacune d’elles, chemine une tribu avec des coutumes, des croyances, des récits, des chants, des rites qui lui donnent une physionomie caractéristique. Ces tribus ont peu de contacts entre elles. C’est ce qu’ont connu nos ancêtres : les différentes cultures et religions vivaient et se développaient en vase clos.

Or, aujourd’hui, les tribus arrivent dans la grande plaine où débouchent toutes les vallées. Aux espaces fermés succède un territoire ouvert que se partagent des gens très différents les uns des autres. Dans ce côtoiement généralisé, chaque tribu veut maintenir son identité propre ; elle tente non seulement de survivre, mais souvent d’établir sa suprématie et d’imposer à l'ensemble des habitants de la plaine les mœurs et les opinions de sa vallée. Passer de sociétés compartimentées à une humanité globalisée entraine frictions et conflits.

Les faiblesses de la laïcité

La laïcité veut gérer cette situation en établissant dans la plaine des cadres et des règles qui s'appliquent à tous sans distinction. Que chacun, s'il le désire, conserve ses spécificités tribales, mais l’État, qui organise le « vivre ensemble », ne les prend pas en compte. Il ne connaît que des citoyens qu’il traite en faisant abstraction de leur histoire, de leur culture et de leurs convictions religieuses. Les particularités des vallées ne doivent être dans la plaine ni favorisées ni même reconnues par la puissance publique, mais pas non plus interdites ni brimées dans la mesure où elles ne perturbent pas une cohabitation paisible.

Si ce modus vivendi a de grands mérites (on a bien raison de tenir à la laïcité), il se heurte, cependant, à une grosse difficulté : comment définir des dispositions communes qui soient vraiment universelles et totalement impartiales ? Chacun considère que vont de soi et doivent s’imposer à tous les valeurs qui en fait sont celles de sa tribu. Ce qui semble aux uns être une règle naturelle ou logique, d’autres le perçoivent comme une mesure discriminatoire qui favorise certaines tribus aux dépens d’autres. D’où le reproche qu’on adresse parfois, à tort ou à raison, à la laïcité française : elle fonctionnerait comme un « outil d’exclusion » au service d’« un protectionnisme culturel » ; au lieu de permettre à chacun de s’exprimer librement, elle ordonnerait à tout le monde de tenir le discours de la tribu dominante.

On rencontre une critique voisine chez les penseurs communautariens à ne pas confondre avec les communautaristes. Les communautaristes militent pour des groupes fermés qui ne respectent et ne suivent que leurs usages propres ; ils veulent vivre dans la plaine comme s’ils étaient encore dans leurs vallées. Les communautariens demandent que les lois de la plaine, qu’ils jugent nécessaires et positives, ne détruisent pas les appartenances communautaires, par exemple que le Canada, majoritairement anglophone, admette que le Québec soit et reste francophone et que ceux qu’on nomme là-bas les « premières nations », amérindiens ou inuits, bénéficient d’un statut particulier. Les communautariens sont favorables au principe de laïcité, mais récusent une laïcité intégrale (ou intégriste) pour qui n’existent que des individus « désengagés » ou « désencombrés », comme l'écrit le philosophe montréalais Charles Taylor, c’est-à-dire vidés de leurs identités distinctives, coupés de leur histoire et de leurs traditions. Ils souhaitent que dans la plaine, les tribus puissent se maintenir, se développer, se manifester publiquement, mais dans un cadre qui les empêche de se fermer sur elles-mêmes et de se battre les unes contre les autres.

S‘expliquer et échanger

Sans trancher ce débat, il me semble qu’il pose deux questions.

D’abord, ne devons-nous pas prendre conscience que la laïcité telle que nous la pratiquons dans notre pays dépend d’une histoire et d’une expérience particulières ? Elle n’est pas une théorie universellement et inconditionnellement valable, mais une pragmatique circonstancielle qu’on doit expliquer, examiner, voire aménager quand le contexte change. Plutôt que de la figer et de l’imposer de force, ne serait-il pas préférable de l’évaluer et d’en modifier certaines dispositions s’il y a lieu (au Canada, on parle d’ « accommodements raisonnables ») ?

Ensuite, il parait contre-productif d’ignorer ou de nier les différences. Ne serait-il pas utile de favoriser des dialogues qui aideraient ceux qui ont des origines tribales diverses à se connaitre, se comprendre, et s’apprivoiser mutuellement ? À la différence de celle des pays anglo-saxons, la laïcité française a tendance à écarter ce genre de discussions (par exemple à éviter de débattre du fait religieux et des diversités culturelles dans les écoles) par peur que les vallées ne dominent et ne colonisent la plaine.

Notre difficulté à admettre et à pratiquer la pluralité favorise une violence qu’on ne fera reculer ni en essayant de tout unifier, ni en imposant autoritairement les valeurs d’une tribu considérées à tort ou à raison comme universelles, mais en pratiquant des dialogues qui visent à atteindre, si et quand c’est possible, ce que le philosophe américain John Rawls appelle un « consensus par recoupements » (nous dirions plutôt par « chevauchements » ou « coïncidences »), en substituant ainsi des mesures empiriques et négociées à des principes dogmatiques et autoritaires.

L’intolérance religieuse

Les luttes entre les tribus parvenues dans la plaine ne sont pas seulement religieuses ; elles sont également et parfois principalement économiques, politiques ou culturelles. Mais, même si les religions n’en portent pas l’entière responsabilité, elles y participent et loin de calmer les conflits, souvent elles les aggravent en les sacralisant. Pourquoi engendrent-elles de l’intolérance ?

Le fanatique

Qu’est ce qui conduit un croyant à se « radicaliser », selon l’expression consacrée ?

Beaucoup voient dans le fanatisme l’effet d’une assurance exagérée ou hypertrophiée. Des certitudes vigoureuses ne s'accommodent pas de doutes et encore moins de négations. Aux yeux du fanatique, ce qui diffère de ce qu’il croit est une folie à repousser, une monstruosité à supprimer et un crime à punir. Paul Ricœur parle en ce sens d’une « violence de la conviction ».

Pour d’autres, la violence ne naîtrait pas d’une puissante conviction, mais au contraire d'une vulnérabilité profonde. Les fanatiques brutalisent parce qu'ils manquent de solidité. Ils frappent faute de savoir discuter et argumenter. Ils veulent interdire les questions et les objections parce qu’elles avivent en eux des incertitudes et des angoisses. Ils « écrasent leurs doutes, écrit Eric-Emmanuel Schmitt, en sur-affirmant leur foi ».

Qu’il soit dû à une conviction excessive ou insuffisante, dans les deux cas, le fanatisme commet l’erreur, signalée par André Comte-Sponville, de prendre « la foi pour un savoir ». Il veut une foi indiscutable, irrécusable, alors qu’elle est une décision subjective, existentielle et audacieuse entre plusieurs possibilités. Une foi qui se présente et que l’on vit comme un risque et un pari, le fanatique n’en veut pas, autrement dit, il refuse la condition humaine avec ses limites ; un désir de perfection ou de plénitude l’habite. Admettre l’incapacité fondamentale à posséder et à incarner l’absolu, consentir que la connaissance religieuse soit toujours partielle et confuse, selon les mots de l’apôtre Paul, détourne des fureurs de l’intransigeance.

La religion absolutisée

À côté des facteurs subjectifs, la structure même de la religion rend possible la dérive fanatique. La religion a pour but de nous mettre en relation avec Dieu ou avec l’ultime, c’est à dire avec ce ou celui qui, en dernier ressort, détermine notre être et toute réalité, avec ce ou celui qui donne sens à notre existence, avec ce ou celui qui nous dépasse et pourtant nous fait vivre.

Nous avons besoin d’une médiation parce que Dieu ou l’ultime ne se voit pas, ne se touche pas, ne tombe pas directement sous nos sens. Nous ne le percevons et rencontrons, il ne nous touche qu’à travers des messagers, des écrits, des paroles, des cultes et des célébrations. Luther l’exprime dans une formule pittoresque : nous n’avons pas accès au Deus nudus, à Dieu dans sa nudité. Il ne nous atteint qu’habillé, en robe, en costume, en djellaba ou en babouches. Les religions sont les vêtements de Dieu, mais elles ne sont pas Dieu. Elles renvoient à celui qu’elles habillent qui est autre et plus grand qu’elles et que nous.

D’où la déviation qui les guette. Elles se pervertissent quand on en vient à les adorer, lorsqu’on rend un culte au vêtement en oubliant celui qui l’a revêtu. Parce qu’elle est au service de Dieu, la religion risque de se prétendre elle-même divine ; elle est tentée de se substituer à Dieu au lieu de renvoyer à lui. Elle accapare indûment à son profit la ferveur qu'elle devait orienter vers un ailleurs. Le théologien catholique eurasien Raymond Pannikar a raconté une histoire qui illustre ce détournement. Un jeune homme, éloigné pour une longue période de sa petite amie, lui écrit chaque jour ; quand il revient, des années plus tard, il découvre qu’elle a épousé le facteur (on a prolongé l’histoire en disant que du coup ce jeune homme a inventé internet). Le livre des Actes des Apôtres (ch. 14) nous raconte que, de passage dans la ville de Lystre, Paul et Barnabas y prêchent et y opèrent des guérisons. Émerveillés, les gens de Lystre les prennent pour des dieux et veulent leur rendre un culte. Les deux apôtres réagissent vivement, ils déchirent leurs vêtements en signe de réprobation et empêchent qu’on leur offre un sacrifice. L’erreur de cette foule se nourrit d’une vérité ; c’est parce que, à juste titre, on reconnait que le divin se manifeste à travers les apôtres qu’on les considère, à tort, comme « des dieux sous forme humaine ».

Une religion qui se divinise cherche à éliminer ce qui s’écarte d’elle. Elle devient violente parce qu’elle absolutise une expression juste mais relative de Dieu et combat les autres expressions jugées illégitimes et blasphématoires. Elle oublie que Dieu seul est Dieu. Comme l’a proclamé la Réforme, seul il est saint ou sacré ; ce qui l’exprime n’est pas divin et ne doit pas être adoré. Il faut estimer la religion sans la surestimer ; si elle témoigne de Dieu, elle ne se confond pas avec lui. On lutte contre la violence en donnant à la religion sa juste place. La surévaluer la rend nocive, voire mortelle, tel un médicament qu’on surdose ; la sous-évaluer mutile l’être humain d’un de ses éléments constitutifs : sa relation avec l’ultime.

 

Foi biblique et violence

Les versets sataniques de la Bible

La Bible parle d’un Dieu cruel qui châtie durement ses adversaires, d’un Dieu vindicatif qui sanctionne impitoyablement ceux qui lui désobéissent (et, avec eux, leurs enfants), d’un Dieu terrible qui entre (même s’il le fait lentement) dans d’épouvantables colères, d’un Dieu qui envoie le déluge et les plaies d’Égypte, demande à Abraham de sacrifier son fils, ordonne l’extermination de villes entières, fait massacrer les prêtres de Baal, etc. Philippe Abadie, de l’Institut catholique de Lyon, a compté environ six cent passages violents, plus une centaine où on dit que Dieu approuve ou encourage, voire ordonne des exécutions et des massacres. Que faire de ces textes ?

Une réaction possible serait de les ignorer, voire de les supprimer. Ainsi, Thomas Jefferson, le troisième président des États-Unis, a édité une Bible qui ne contient que les extraits qui lui convenaient (elle est, à vrai dire, assez mince). Sans le dire, nous agissons souvent de même ; nos prédications et catéchèses laissent complètement de côté certains textes. Peut-être faudrait-il déclarer ouvertement qu’ils ne sont pas porteurs pour nous un message venant de Dieu et qu’à côté de la prédication de la grâce, de l’amour et de l’appel à devenir de nouvelles créatures, la Bible contient aussi des « versets sataniques » ? Luther a écrit qu’il y a dans les Écritures de l’or et de la paille ; n’y a-t-il pas également du fumier ?

Beaucoup d’exégètes proposent aujourd’hui une autre démarche : lire la Bible non pas en isolant les textes, en traitant chacun d’eux à part, mais en les mettant en tension les uns avec les autres. Des tensions existent à l’intérieur d’un même récit ; par exemple, quand Abraham, sur ce point digne ancêtre de Daesh, s’apprête à égorger son fils, le Dieu qui arrête son bras corrige, dément, réfute le Dieu qui a exigé qu’on le lui sacrifie. La fin du récit polémique contre le début. On trouve également des tensions entre des textes différents. Ainsi, la xénophobie souvent affichée dans l’Ancien Testament, par exemple la détestation des philistins, est contredite par des déclarations qui disent que chez eux il y a aussi des enfants et des serviteurs de Dieu, parfois plus fidèles que les hébreux. À cet égard le principe de l’analogie de la foi qui veut accorder tous les textes canoniques a fâcheusement masqué les entrechocs et les controverses qui traversent la Bible. Plutôt que de procéder à des harmonisations forcées, soyons attentifs à ces mouvements de reprise et de rectification qui dénoncent la violence énoncée et déposent ce qui est posé ailleurs. Le message de la Bible se trouve dans ce jeu de feux et de « contre-feux » (selon l’expression de Philippe Abadie).

Alliance et création

De manière plus globale, on a attribué non pas à des textes particuliers mais au principe même du monothéisme la responsabilité principale de la violence religieuse. Moïse, considéré symboliquement comme le père du monothéisme biblique, refuse la coexistence entre religions. Il annonce un « Dieu jaloux » qui interdit d’avoir « d’autres dieux devant sa face ». Le judaïsme, le christianisme et l’islam en auraient hérité un exclusivisme générateur d’une violence qui est, comme l’écrit l’égyptologue Jan Assmann, « le prix du monothéisme ».

Si cette analyse a de la pertinence, elle n’en demeure pas moins unilatérale. Elle ne prend pas en compte la complexité du monothéisme qui n’a pas un visage unique mais de multiples faces. Dans le christianisme, on peut distinguer deux formes principales : l’une insiste sur l’alliance, l’autre met l’accent sur la création.

« Alliance » désigne le lien que Dieu noue avec des « élus ». Dans l’humanité, il distingue des hommes et des groupes (le peuple juif ou l’Église) avec lesquels il entretient une relation spéciale. Même si, comme le rappelle la vocation d’Abraham, cette relation doit s’étendre à l’ensemble des « nations » et a une visée universelle, il n’en demeure pas moins qu’elle confère à quelques-uns un privilège et une suprématie. Ils savent et possèdent ce qui manque aux autres. Ils ont tendance à penser que Dieu se rencontre uniquement dans l’alliance dont ils sont bénéficiaires. Ils veulent y faire entrer, de gré ou de force, le monde entier et rejettent dans la géhenne ou les ténèbres du dehors ceux qui se situent en dehors d’elle. Une tribu veut imposer la loi, les croyances et les mœurs de sa vallée à l’ensemble de la plaine.

Le thème de la création équilibre et contrebalance celui de l’alliance. Par création, il ne faut pas entendre un acte ou un événement originel qui aurait mis en route l’univers et son histoire, mais le lien permanent de tout ce qui existe avec Dieu. Dieu agit partout ; il ne réserve pas à quelques-uns sa parole, sa présence et son action. Les égyptiens, assyriens, éthiopiens et philistins sont aussi son peuple (Ésaïe, 19, 25 ; Amos 9,7). Nulle part, il ne se laisse sans témoin. Un monothéisme centré sur la création favorise des relations positives avec les autres, parce qu’ils sont, comme nous, enfants et élus de Dieu. Par contre, il a tendance à ne pas prendre au sérieux les différences ; il en amoindrit la portée et la signification. Du coup, il risque de refuser les désaccords et d’écarter ce qui distingue individus et groupes. Il fonctionne comme le laïcisme de la République qui en soulignant la dignité égale de tous les hommes (ce qui est positif) pousse à niveler voire à éradiquer la pluralité de leurs cultures (ce qui est dommageable). Les spécificités sont niées au nom de l’universalité, ce qui est le danger que soulignent justement les communautariens (à distinguer des communautaristes).

Une bipolarité conflictuelle

Si le particularisme de l’alliance risque d’inciter à l’élimination de ce qui est étranger, l’universalisme de la création court le danger de vouloir supprimer ce qui distingue et diversifie. Dans les deux cas, on a la menace d’un totalitarisme qui rejette les autres, en niant leur différence, soit en les excluant soit en les absorbant.

Heureusement, les deux thèmes coexistent et se combattent mutuellement ; leur constante polémique limite ce que chacun d’eux peut avoir d’excessif. La création corrige l’alliance en affirmant que mon Dieu est aussi le Dieu de tous ; je n’en ai pas le monopole, il se manifeste aussi ailleurs et autrement, ce qui interdit le rejet, au nom de mon Dieu, de celui qui appartient à une communauté et à une religion différentes. L’alliance corrige la création en proclamant que le Dieu de tous est en même temps mon Dieu, celui que je rencontre dans mon existence d’une manière à nulle autre semblable ; elle affirme que j’ai avec lui une relation personnelle vivante et unique, et pas seulement un lien général qui serait identique pour tous.

Il ne s’agit nullement d’harmoniser les deux thèmes dans une synthèse qui les neutraliserait, mais de les vivre dans une tension qui évite à la fois que l’unité détruise la singularité et que la pluralité empêche la convivialité. Le thème de l’alliance et celui de la création ont l’un et l’autre de la vérité ; cette vérité dégénère, conduit à la persécution et à la guerre sainte si l’autre thème ne vient pas la contester ; l’entrechoc oblige à de constantes rectifications. Pour lutter contre les violences, celle de l’universalisme et celle de l’exclusivisme, paradoxalement, mieux vaut ne pas supprimer les conflits, mais les entretenir, les organiser et les gérer.

 

Conclusion

Terminons en soulignant l’importance de la parole, celle de l’échange, celle de la prédication ou de l’étude. Dans le premier temps, nous avons vu que la parole de l’échange aide à vivre ensemble, tout en étant et en restant différents. Le deuxième temps a plaidé pour une parole de prédication qui appelle les croyants à l’humilité en les rendant conscients que leur foi et leur religion sont humaines, et donc imparfaites, que Dieu est au dessus d’elles. Le troisième temps fait apparaître la nécessité de la parole de l’étude qui commente la Bible, non pas en la fragmentant mais en dégageant le mouvement qui en elle-même prend en compte nos identités particulières et nous conduit à les dépasser sans les abandonner. Pour reprendre le langage de John Caputo, la parole est cette force faible, cette impuissance puissante qui ne s’impose pas, mais qui insiste pour exister, qui s’insinue dans la plaine pour en faire un espace à la fois commun et diversifié.

André Gounelle

 

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André Gounelle

Professeur émérite de la faculté de théologie protestante de Montpellier

Webmaster : Marc Pernot