signature

Recherche sur AndreGounelle.fr :

Loading


Accueil > Histoire des Idées

La Faculté de Théologie Protestante de Montauban

 

Pendant cent dix ans, de 1809 à 1919, la ville de Montauban a été le siège d’une Faculté de Théologie protestante. Cet article s’arrête sur trois moments de son histoire : d’abord, le tout début ; ensuite, la période médiane ; enfin les dernières années avant son transfert à Montpellier où elle se trouve toujours*.

Les commencements

En 1802, les articles organiques promulgués par Bonaparte, premier consul, donnent au protestantisme français le statut légal dont il avait été privé depuis la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Après un peu plus d’un siècle de persécutions et de clandestinité, les Églises Réformées s’organisent ou se réorganisent ; elles se préoccupent immédiatement de la formation de leurs pasteurs. Ceux dont elles disposent ne sont pas assez nombreux ni assez bien formés. En 1800, il y a entre 150 et 180 pasteurs, il en faudrait le double (en 1830, ils seront environ 330)*. 90% de ces pasteurs sortent du séminaire français de Lausanne, qui dispensait un enseignement élémentaire, très inférieur à celui que recevaient les futurs pasteurs suisses à l’Université de la même ville*. Le séminaire français préparait en trois ans des jeunes gens, dont quelques-uns, à leur arrivée, savaient à peine lire. Beaucoup ont fait preuve de dévouement et de courage, mais leur culture aussi bien générale que théologique était très faible ; ils sont « ignorants et bornés », écrit en 1804 le pasteur Mestrezat*. Ils étaient nettement en dessous de la tâche de redressement ou de reconstitution que demandait la nouvelle situation du protestantisme français. Quelques pasteurs, formés dans des Universités étrangères, font exception, ainsi, Frossard, Vincent, Mestrezat, les frères Rabaut. En leur ensemble, les protestants français, longtemps privés de contacts et d’échanges et ayant d’autres soucis, ignoraient les recherches et débats qui avaient lieu ailleurs en Europe ; ils souffraient d’une carence et d’un retard considérables dans le domaine de la réflexion religieuse.

Le 17 septembre 1808, un décret impérial crée une Faculté de Théologie protestante à Montauban. Pourquoi Montauban ? Trois raisons ont joué.

D’abord, on avait initialement pensé envoyer les étudiants à Genève, en aménageant et en étoffant la Faculté de cette ville. Mais Genève avait l’inconvénient d’être hors de France. De plus les autorités ecclésiales et universitaires de cette ville y étaient peu favorables ; elles envisageaient à la rigueur quelque chose d’analogue au séminaire de Lausanne, autrement dit, un établissement de niveau inférieur pour les français dont elles avaient une piètre opinion, la Faculté dispensant un enseignement universitaire réservé aux Suisses et aux meilleurs des français, ce qui ne répondait pas du tout aux projets et aux ambitions tant de l’Empire que des protestants français*.

En deuxième lieu, à la différence de Nîmes*, autre localisation envisagée, Montauban est une ville politiquement sûre ; il n’y avait pas eu un seul « non » au plébiscite de 1804 ratifiant l’instauration de l’Empire. D’autre part, le protestantisme était puissant à Nîmes et le gouvernement ne tenait pas à l’y renforcer. Quand en juillet 1808 Napoléon visite Montauban, où on l’accueille chaleureusement, le pasteur Robert Fonfrède, président du consistoire, fait habilement sa cour et emporte ou confirme la décision de l’Empereur en faveur de sa ville*.

Troisième raison, aux seizièmes et dix-septième siècles existait à Montauban une Académie protestante (« académie » signifiant alors établissement universitaire d’enseignement, enseignement dans diverses disciplines pas seulement en théologie). Cette Académie, sans avoir l’éclat de celles de Saumur et de Sedan, avait tenu un rang honorable et avait connu bien des malheurs (confiscation de ses bâtiments et déplacement à Puylaurens avant d’être supprimée à la Révocation)*. Symboliquement, le choix de Montauban indiquait la continuité du protestantisme français au travers de la parenthèse tragique de la Révocation.

Créer de toutes pièces une Faculté est une tâche complexe et difficile. Il fallait des locaux. L’ancien couvent de Sainte-Claire, sur le quai Montmurat qui longe le Tarn, où avaient été enfermées, après la Révocation, une cinquantaine de jeunes filles protestantes, était disponible*. L’État l’acheta 40000 francs et accorda un crédit de 20000 francs pour son aménagement et sa rénovation. Il fallait une bibliothèque. L’État fournit 5000 livres (venant du Tribunat), auxquels s’ajoutèrent ceux cédés par l’ancien conventionnel et préfet Jeanbon-Saint-André, né à Montauban, qui, après avoir été officier de marine et avant d’entreprendre une carrière politique, avait fait des études de théologie et exercé une quinzaine d’années le ministère pastoral. Rabaut-Pomier, qui fut pasteur à Montpellier, le fils de Paul Rabaut et le frère de Rabaut-Saint-Etienne, légua en 1820 sa bibliothèque. Augmenté tout au long du siècle par des dons et des achats judicieux* à une époque où les livres anciens n’étaient pas hors de prix, s’est constitué ainsi un ensemble comprenant beaucoup d’ouvrages rares et d’éditions princeps. Actuellement intégré à la Bibliothèque de la Faculté de Théologie de Montpellier, il y constitue « le fonds de Montauban ». Il fallait mettre sur pied un programme d’études ; celui adopté s’inspire largement du modèle genevois ; il prévoit un cursus en quatre ou cinq ans, avec exigence du baccalauréat es lettres*. Ce qui a posé le plus de problème, c’est la constitution d’un corps professoral. Le pasteur Benjamin Sigismond Frossard, connu pour sa vigoureuse prise de position contre l’esclavage, est nommé Doyen (en même temps que président du consistoire de Montauban) et il est chargé de l’enseignement de la morale*. Cinq autres chaires de professeurs sont prévues, mais on a de la peine à les pourvoir ; l’effectif ne sera complet qu’en 1820. Aucun des enseignants n’est titulaire d’un véritable doctorat* ni n’a des qualifications comparables à celles de leurs collègues suisses. En 1814, sera nommé un universitaire réputé pour ses travaux en mathématiques, Daniel Encontre, ancien Doyen de la Faculté des Sciences de Montpellier, qui eut parmi ses élèves Auguste Comte. Encontre avait fait des études de théologie en vue du ministère pastoral ; il souffrait d’une voix cassée, ce qui l’empêchait de prêcher (à l’époque qui précède la Révolution, beaucoup de cultes avaient lieu en plein air et demandaient une voix forte), mais pas d’enseigner. Il s’était orienté vers les mathématiques dont il était devenu un spécialiste reconnu ; il les abandonna pour devenir professeur de dogmatique. En 1816, il succède au décanat à Frossard, tombé en disgrâce à cause de son passé républicain et bonapartiste*. La Faculté de Montauban ouvre ses portes en janvier 1810 avec une trentaine d’étudiants* ; en 1812, en un moment où l’Empire lève massivement des soldats pour la campagne de Russie, il y a un afflux d’inscriptions parce que la qualité d’étudiant en théologie dispensait de la conscription* ; ce fut temporaire et les effectifs tourneront entre 40 et 80 inscrits*. En 1830, 186 étudiants ont réussi aux examens finaux depuis l’ouverture de la Faculté, soit un peu moins d’une douzaine par an*.

L’enseignement se répartit en deux cycles avec des durées variables selon les cas et selon les périodes. Le premier, préparatoire, appelé « auditoire de philosophie », correspond aux « hautes classes » des lycées et sert à acheminer au baccalauréat, diplôme alors assez rare*, ou, peut-être, à une équivalence*. Il n’est pas réservé à de futurs pasteurs ; il est ouvert à des étudiants désireux de se former en milieu protestant*. Le second cycle proprement théologique porte, d’une part, sur la théologie biblique, doctrinale, morale, d’autre part sur ce qu’on appelle « l’éloquence sacrée » : il s’agit de préparer à la prédication et à l’enseignement dans les paroisses. À une époque où la théologie protestante européenne se renouvelle considérablement, en confrontation tantôt amicale, tantôt hostile avec les Lumières, la Faculté de Montauban se montre prudente et traditionaliste. Ainsi, un professeur genevois Esaïe Gasc se voit rappelé à l’ordre en 1813 pour avoir critiqué la formulation du dogme trinitaire, à un moment où on en débat beaucoup en Suisse, en Allemagne et en Grande Bretagne. À la suite de cette affaire les professeurs s’engagent à ne « s’écarter en rien … de la doctrine qui est reçue et professée dans les Églises réformées de France »*. Les protestants français sont informés des travaux poursuivis à l’étranger non par la Faculté qui n’a pas l’air de les connaître, mais par la revue dirigée par le pasteur nîmois Samuel Vincent bien meilleur théologien que les professeurs de Montauban*.

Notons que la formation des prêtres n’est pas assurée par des Facultés de théologie mais par des « grands séminaires » qui n’exigent pas le baccalauréat et qui n’ont pas un statut universitaire. Il n’y a donc pas, dans ce domaine, parallélisme entre catholicisme et protestantisme*.

La période médiane

Ce que j’appelle la période médiane » va en gros de 1840 à 1880 et se situe autour du Second Empire, en le débordant en amont et en aval*. En 1840, on a installé sur le site de la Faculté un « séminaire » ; il ne s’agit pas d’un « séminaire » sur le modèle catholique, mais d’un foyer où les étudiants peuvent prendre leurs repas et se loger* ; c’est une commodité qu’on leur offre, et non une obligation qu’on leur impose sauf pour les boursiers. Ils l’accueillent avec beaucoup de réticence ; ils craignent un embrigadement. Ce séminaire comporte d’abord une quarantaine de chambres, un peu plus tard on en aménage une vingtaine de plus. Le séminaire et son directeur relèvent du ministère des cultes, alors que la Faculté et ses professeurs dépendent du ministère de l’instruction publique ; ce sont donc deux institutions administrativement distinctes et indépendantes l’une de l’autre, entre lesquelles il y a, à certains moments, des tensions*.

Pour nous faire une idée de la vie de la Faculté à cette époque, nous avons quelques textes, en général des rapports officiels, qui présentent des bilans positifs dont on peut déduire que tout va assez bien*. Nous disposons aussi d’autres documents, plus nombreux, qui, au contraire, donnent le sentiment qu’en ce milieu de siècle la Faculté se porte mal ; « [elle] végète plus qu’[elle] ne vit » écrit en 1847 un journal religieux*. Trois problèmes l’affectent.

D’abord, celui de la localisation à Montauban, qui n’est pas une ville universitaire. Il en résulte un grand isolement (que les textes exagèrent peut-être). Les étudiants ne peuvent pas y suivre les cours d’autres Facultés, les enseignants ne rencontrent pas des professeurs de disciplines différentes et se trouvent, du coup, loin des débats intellectuels du temps. Il manque une grande bibliothèque. Sa situation géographique excentrée marginalise la Faculté, et elle en souffre. Il paraît à beaucoup absurde que le protestantisme français dispose d’une Faculté de Théologie à Montauban et pas à Paris. Entre 1830 et 1850, et aussi plus tard après 1870, les Églises réformées, de nombreux pasteurs, les professeurs et étudiants de Montauban tentent, à plusieurs reprises, d’obtenir du ministère le transfert de la Faculté dans la capitale*. Ces démarches n’aboutissent pas. Un protestant montalbanais, Léon de Maleville, député, sénateur, épisodiquement ministre, plaide pour le maintien de la Faculté dans sa ville, ce que souhaitent le département du Tarn et Garonne et la municipalité. Joue aussi la crainte que de jeunes étudiants venus de province succombent aux tentations très fortes de la vie parisienne. Certains ont soupçonné une opposition sourde et des menées souterraines de la hiérarchie catholique, assez satisfaite que la théologie protestante soit reléguée dans une ville reculée de la province et absente de Paris*. La Faculté qui ne publie ni journal ni revue n’a pratiquement pas de rayonnement dans le protestantisme, pas de contact avec les églises. Un pasteur du Nord la qualifie de « sombre et silencieuse » et de « pieuse inconnue »*. Avec l’église réformée de Montauban, les relations laissent à désirer*. La Faculté, écrit Stapfer, forme « comme une colonie étrangère … ne se mêlant pas » à la vie paroissiale*. Quand, en 1851, la Faculté organise un culte le dimanche dans le temple installé dans ses locaux, le conseil presbytéral craint que ce culte fasse concurrence avec celui de la paroisse et qu’il amorce une dissidence*.

Deuxième problème, le corps professoral. Entre 1830 et 1840 se met en place progressivement une procédure de nomination qui n’en favorise pas la qualité*. Quand une chaire est vacante, on consulte les consistoires (ce mot désigne des groupements de paroisses locales : il y en a entre 80 et 100). Par vote, pasteurs et anciens soumettent une candidature au ministère qui entérine en général leur proposition. Il n’y a pas d’expertise ni d’avis scientifiques sur les travaux et les capacités des postulants. Les consistoires choisissent des pasteurs pieux, respectables, éloquents mais sans grande compétence théologique. À un moment où les polémiques sont vives entre orthodoxes, révivalistes et libéraux, ils ne prennent pas en considération leurs titres universitaires et se prononcent en fonction du parti ou de la tendance du candidat (ce qui élimine les libéraux, en général plus savants et de niveau intellectuel supérieur, mais minoritaires*). La Faculté de Montauban devient la citadelle d’une orthodoxie qualifiée de « douce »*, (par « douce » il faut probablement entendre bibliciste mais non théopneuste et favorable au Réveil sans en suivre les courants les plus radicaux). En fait domine un conformisme paresseux* et une médiocrité sans envergure ni profondeur. Dans les années 60, à une exception près, aucun des enseignants n’a le grade de docteur ; ce qui était excusable en 1808 ne l’est plus cinquante ans après. On cite le cas significatif de pasteurs nommés à la chaire d’hébreu qui ne savaient pratiquement pas cette langue*. L’enseignement s’apparente à un catéchisme étendu ou à des prédications allongées. Selon une pratique alors courante dans l’Université, la plupart des professeurs rédigent leur cours (les « composent », selon l’expression consacrée) en arrivant à Montauban et les répètent ensuite, parfois pendant des dizaines d’années, sans rien y changer ni en faire de nouveaux*. Rares sont ceux qui publient livres ou articles*. Ajoutons que les professeurs sont mal payés ; leur traitement est inférieur à celui des pasteurs de grandes et moyennes villes, ce qui évidemment décourage des candidatures*. La médiocrité générale de l’enseignement connaît quelques heureuses exceptions ; la plus notoire est le professeur Michel Nicolas*, longtemps le seul docteur, penseur original, gros travailleur, dont les publications sont de bonne qualité ; il était en relation avec Sainte-Beuve, Renan et Reuss ; mais non conformiste, classé « libéral » (Pédézert dit même qu’il n’était pas croyant*, ce qui me semble une calomnie), il rencontre la méfiance de ses collègues et se trouve marginalisé* ; dans les votes du conseil de Faculté, alors que les autres professeurs sont du même avis, il est souvent le seul soit à s’abstenir soit à voter contre.

Dans ses souvenirs, Pédézert écrit « la Faculté de Montauban a eu de belles âmes à son service »*. « De belles âmes » assurément, mais il y eut, par contre, un déficit en réflexion et en savoir. Je cite quelques appréciations sur les professeurs les plus connus de cette époque*. Sur de Felice, nous lisons dans un article nécrologique : « M. de Felice manquait sans doute comme professeur d’une érudition de première main et d’une culture théologique suffisante »*. De Jalaguier, Pédézert écrit : « il n’était pas savant ni destiné à le devenir. Il se souhaitait, sans doute, les connaissances qu’il n’avait pas, mais il s’inquiéta peu de les acquérir »*. En ce qui concerne Adolphe Monod, Pédezert indique qu’« il est resté étranger aux préoccupations scientifiques et philosophiques de notre époque » ; son cours « plus oratoire que scientifique … étonne de la part d’un professeur de théologie parlant à des étudiants en théologie »*. De Pédézert, E. Stapfer écrit qu’il a été « improvisé professeur de théologie sans être théologien et professeur de latin et de grec sans être philologue »*. Stapfer ajoute que les professeurs « ne s’intéressaient pas à la théologie, ne lisaient pas les revues allemandes, ne se tenaient pas au courant des questions »*. Certains des enseignants ont conscience de ces faiblesses. Dans un rapport universitaire de 1857, le Doyen Montet parle de « notre pauvreté théologique » et écrit « notre ignorance des travaux exécutés ailleurs est presque générale »*. Il pense que la Faculté a un effort à faire pour y remédier.

Enfin, pose également un problème le corps étudiant*. Pendant tout le siècle passé à Montauban, on ne cesse de se plaindre de son comportement*, sans qu’il soit possible d’évaluer la portée exacte de ces plaintes : sont-elles exagérées, traduisent-elles une rigueur et un puritanisme excessifs, ou au contraire signalent-elles des défaillances et des dérives graves ? Il est difficile d’en juger. En tout cas, il paraît clair que certains étudiants choisissent le pastorat parce que le régime concordataire le rend attrayant. Un étudiant cévenol de cette époque raconte que sa mère voulait faire de lui un fonctionnaire, plus précisément un facteur. Voyant ses bons résultats scolaires, elle lui conseilla d’aller jusqu’au bac et de devenir pasteur ; « comme cela, lui dit-elle, tu ne seras pas obligé de sortir quand il pleut »*. Ce n’est évidemment pas le genre de motivation que l’on souhaiterait chez des étudiants en théologie.

Sous le Second Empire, des rapports du préfet et du recteur signalent le mauvais esprit des étudiants ; il faut comprendre qu’il y a parmi eux beaucoup de républicains, opposés au Second Empire. Un buste de Napoléon III disposé dans la salle du Conseil de Faculté est couvert d’inscriptions injurieuses et on lui casse à plusieurs reprises le nez* ; à l‘occasion d’un conseil de « révision de la garde mobile », des étudiants entonnent la « Marseillaise », considérée alors comme un chant subversif* ; ils applaudissent le député républicain Jules Favre de passage à Montauban en 1867*. En ville, les étudiants sont turbulents, ils font parfois du tapage, malgré des interdictions explicites et répétées, il leur arrive de fumer en public, ils fréquentent cafés, salles de billards, théâtre, concerts*, ce qui les expose à des sanctions*. Leur comportement choque les montalbanais*, et tout particulièrement la bourgeoisie protestante de la ville. Ils n’ont sans doute pas une conduite très différente de celle de la plupart des étudiants de l’époque, mais comme il n’y a pas d’autres étudiants à Montauban on les remarque beaucoup et comme ce sont de futurs pasteurs, on les juge sévèrement. À la Faculté même, l’ouverture du séminaire* a favorisé une atmosphère « classe préparatoire » ou « grande école » avec bizutages, chahuts organisés, rites burlesques, chants satiriques, mais à la différence des grandes écoles, on y travaille peu*. En 1860, dans un rapport au ministre des cultes, le directeur du séminaire écrit : « Je suis humilié … quand je vois tant de travaux exigés et accomplis à l’École normale supérieure … et si peu comparativement à nos Écoles de théologie »*. Il y a beaucoup d’absentéisme aux cours ; trop souvent un brouhaha continuel les rend difficilement audibles. On raconte que lorsqu’en histoire, on parlait des persécutions, les étudiants s’amusaient à parodier des sanglots bruyants, ce qui obligeait l’enseignant à interrompre le cours. Une année, les étudiants ont fait rouler des brouettes à l’étage au dessus de la salle où avaient lieu des examens oraux, du coup on n’entendait rien, sans que les professeurs, qui manquaient d’autorité, aient osé intervenir*. La médiocrité de l’enseignement favorise ce chahut continuel. Les étudiants, dans leur indiscipline, font preuve d’un discernement assez sûr. Les cours de valeur, ainsi ceux de Michel Nicolas, de François Bonifas et, à un degré moindre, d’Auguste Sardinoux sont suivis avec beaucoup d’assiduité et d’attention. Les examens finaux passent pour des formalités : très rares sont ceux qui ne les réussissent pas*. Toutefois, les registres montrent que tous les étudiants ne parviennent pas à ces examens ; autrement dit, la sélection s’opère et les éliminations se font durant les quatre ou cinq ans d’études et pas au dernier examen. Il n’en demeure pas moins que les exigences pour obtenir le diplôme sont faibles. On raconte qu’après un examen où le jury avait été extrêmement indulgent, Michel Nicolas, sarcastique, dit à ses collègues : « pour labourer la vigne du Seigneur, faute de bons chevaux, vous prenez des ânes. »

Il ne faut, cependant, pas trop noircir le tableau. Les cas regrettables, les conduites et pratiques aberrantes tiennent beaucoup de place dans les archives, alors qu’elles mentionnent à peine les étudiants consciencieux, travailleurs et pieux qui sont quand même la majorité*. Ils forment une chorale qui chante dans des cultes, animent une école biblique, prêchent quand les pasteurs sont empêchés et s’occupent de secours aux pauvres (comme on disait alors). La Faculté encourage les meilleurs d’entre eux à aller en Allemagne pour des études de doctorat qu’elle fut longtemps incapable d’assurer, et ils s’en tirent plutôt bien, preuve que la formation initiale reçue n’était pas nulle. Ce fut, entre autres, le cas d’Auguste Sabatier qui devint, plus tard, un professeur brillant et remarqué à Strasbourg puis, après que l’Alsace soit devenue allemande, à Paris et dont on a dit qu’il était le meilleur théologien protestant français depuis Calvin*. Néanmoins, il est clair qu’en ce milieu du dix-neuvième siècle, la Faculté de Montauban ne va pas bien, ce qui alimente le souhait de la déplacer. Dans les milieux protestants cultivés et informés, on préfère envoyer les jeunes qui se destinent au pastorat à la Faculté de Genève, qui a une meilleure réputation intellectuelle et morale*. De plus, on attribue à Montauban une orthodoxie assez élémentaire, conservatrice et nonchalante qui n’attire guère. Montauban « nous dégoûte » devait déclarer, plus tard, une conférence réunissant à Nîmes 80 pasteurs de tendance libérale*.

Les dernières années

La dernière période que j’ai retenue va de 1890 à 1914. Elle excède donc le dix neuvième siècle annoncé dans le titre, mais bien des historiens estiment qu’en fait le siècle se termine avec la première guerre mondiale qui opère une coupure et marque l’avènement d’une nouvelle époque.

Autour de 1900, la Faculté de Montauban est en bien meilleur état que quarante ou cinquante ans avant. Elle a en grande partie redressé la situation défectueuse que je viens de décrire. L’amélioration est évidente sur les trois points dont j’ai signalé qu’ils posaient problème.

D’abord, elle n’est plus autant isolée. Certes Montauban reste à l’écart des circuits universitaires, mais la Faculté publie depuis 1874 une revue*, la Revue de Théologie et des questions religieuses, ce qui favorise contacts, échanges, collaborations avec l’extérieur. Des auteurs d’horizons et de nationalités variés y écrivent des articles. D’autre part, la Faculté développe une politique active d’invitation d’enseignants et de conférenciers extérieurs*. De plus, en 1877 a été créée à Paris une Faculté de Théologie Protestante pour prendre la relève de celle de Strasbourg devenue allemande. Des professeurs qui ont dû quitter Strasbourg y sont nommés ; d’emblée des enseignants de haute qualité, tels que Frédéric Lichtenberger, Auguste Sabatier, Eugène Menégoz, lui donnent un grand rayonnement. Cette création aurait pu être fatale pour la Faculté de Montauban ; on a d’ailleurs envisagé de la fermer et de nommer à Paris les professeurs montalbanais. Ils étaient eux-mêmes partisans de cette solution, préconisée par le Synode de 1872*. Elle n’a pas été adoptée, en partie parce qu’on les tenait en piètre estime et qu’on craignait qu’ils n’abaissent le niveau de la nouvelle Faculté ; selon un mot cruel, souvent répété : « on n’allume pas une lampe à Paris pour la mettre sous le boisseau de Montauban »*. Il y a aussi la crainte dans les milieux orthodoxes qu’une Faculté à Paris soit trop influencée par une ambiance intellectuelle et ecclésiastique plutôt favorable aux idées libérales, l’isolement de Montauban apparaissant comme une garantie. Finalement, on a eu deux Facultés, entre lesquelles, au départ, règne une animosité certaine. Celle de Paris, écrit le montalbanais Sardinoux, s’organise « sans nous, sinon contre nous »*. En fait, loin de souffrir de cette dualité, celle de Montauban en a plutôt bénéficié. Le mépris humiliant qu’elle a durement ressenti provoque une réaction salutaire*. Ses théologiens ont désormais des rivaux dont ils doivent tenir compte, avec lesquels ils se mesurent et débattent, avant, un peu plus tard, de se concerter et de travailler avec eux* ; les relations deviennent vite amicales, et en 1901, les professeurs de Paris publient un volume en hommage à la Faculté de Montauban à l’occasion du troisième centenaire de la fondation de l’Académie Protestante dans leur ville. En 1902, Edmond Stapfer qui a fait ses études jusqu’au doctorat à Montauban devient Doyen à Paris et travaille à un rapprochement entre les deux Facultés*. La concurrence a obligé les montalbanais à remonter le niveau de leur enseignement, à consacrer plus de temps à la recherche et à se montrer plus exigeant dans le recrutement des professeurs. Désormais, ils ne sont plus seuls au milieu d’un désert théologique ; ils ont des vis-à-vis.

Ensuite, chez les étudiants, on constate un changement d’attitude. La séparation des Églises et de l’État qui intervient en 1905, mais dont on savait depuis longtemps qu’elle était probable*, rend les conditions matérielles d’exercice du pastorat plus difficiles, moins confortables. Il faut de solides convictions pour s’y engager. Arrivent donc à la Faculté des étudiants aux motivations plus fortes et profondes qu’auparavant. On ne dira jamais assez que la Séparation, à côté des charges financières très lourdes quelle a entraînées pour les Églises, leur a rendu service sur bien des points. « Nous sommes plus forts et mieux outillés que du temps du Concordat » écrit en 1910 le Doyen Doumergue*. De nombreux étudiants ont été touchés par le mouvement de renouveau spirituel qu’on appelle le Réveil qui traverse et revivifie le protestantisme français dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Même ceux qui n’en partagent pas les options théologiques (en fait assez sommaires*) sont marqués par sa piété, ce qui a des effets positifs sur leur comportement. L’absentéisme au cours devient exceptionnel*. La qualité des mémoires de fin d’études (thèses de baccalauréat) s’améliore considérablement. Il y a beaucoup moins de sanctions disciplinaires*. La tradition des grands chahuts subsiste, mais se transforme petit à petit en un folklore bon enfant et parfois amusant qui ne nuit guère aux études*.

Enfin, l’enseignement est de meilleure qualité. L’intitulé des cours montre une ouverture aux problématiques contemporaines et aux théologies allemandes et anglo-saxonnes. Une préoccupation nouvelle, très actuelle au tournant du siècle, se fait jour : celle des rapports entre science et foi*. Dans cette perspective, en plus des connaissances proprement théologiques, la Faculté entreprend de donner aux futurs pasteurs des notions de base en astrophysique et en sciences naturelles (avec deux montpelliérains Franz Leenhardt qui initie les étudiants à la théorie de l’évolution*, puis Louis Perrier, médecin et préhistorien). Un petit observatoire, un laboratoire et un musée d’histoire naturelle sont installés. Le corps enseignant comporte une majorité de docteurs et ils publient plus que leurs prédécesseurs ; ainsi, Charles Bruston, professeur d’hébreu et d’Ancien Testament, orientaliste reconnu ; Léon Maury en histoire et en théologie pratique, très ouvert aux questions sociales ; Alexandre Westphal qui édita un Dictionnaire encyclopédique de la Bible. Deux professeurs se détachent du lot par leur envergure universitaire et leur ouverture internationale : Emile Doumergue et Henri Bois*.

Émile Doumergue, professeur d’histoire ecclésiastique de 1880 à 1914, spécialiste de la Réforme, est un personnage haut en couleur. Il a des opinions tranchées qu’il défend vigoureusement, mais il connaît et étudie avec finesse les textes. Polémiste redoutable, il pourfend les catholiques et les protestants libéraux, tout en sachant à l’occasion se montrer juste à leur égard. À côté d’activités et de responsabilités ecclésiastiques pourtant absorbantes, il poursuit un travail acharné sur la littérature religieuse du seizième siècle qu’il connaît à fond. Entre 1899 et 1927, il publie une monumentale étude sur Calvin, en sept tomes (in quarto, autrement dit d’un très grand format) qui encore aujourd’hui est incontournable par la masse de documents, de renseignements historiques et d’analyses qu’elle contient. Ses passions faussent parfois son jugement : très patriote, voire cocardier, foncièrement anti-allemand, il s’efforce de montrer que la Réforme luthérienne n’a influencé en rien la Réforme française, ce qui paraît difficilement soutenable, même s’il n’y a en effet pas, à proprement parler, dépendance. Jean Cadier m’a raconté que, reprenant la pratique ancienne des disputationes*, il organisait régulièrement avec les étudiants de grands débats théologiques. Après un repas où on servait du poulet (ce qui a frappé les participants, ils ne devaient pas en manger souvent), sur un thème indiqué d’avance, il répartissait les étudiants en plusieurs groupes qui devaient chacun représenter une thèse différente, l’exposer, la défendre et attaquer les thèses concurrentes. Bien entendu, les étudiants pouvaient être chargés de soutenir une thèse qui ne correspondait pas du tout à ce qu’ils pensaient ; le but était de leur apprendre à argumenter et à discuter. Exercice très formateur qu’il menait, disait J. Cadier, avec brio.

À la différence d’Émile Doumergue, Henri Bois est timide et discret, ce qui ne l’empêche pas d’être mordant. Il décoche, par exemple, des flèches acérées contre Calvin qui ont dû faire bondir Émile Doumergue ; ainsi, à propos de la double prédestination, il se demande si « ce que Calvin appelle la justice incompréhensible [de Dieu] n’est pas une très compréhensible injustice », et il ajoute : « Lorsque Calvin ne trouve pas la prédestination dans les textes, il l’y met de haute lutte, il la leur impose par violence »*. Henri Bois est né à Montauban en 1862, où son père enseignait la théologie ; il y a fait toute sa scolarité secondaire. Licencié es lettres, il a une solide culture philosophique (sa thèse de doctorat porte sur la philosophie judéo-alexandrine) ; il s’inscrit dans le courant néo-kantien ou criticiste et est très proche du philosophe d’origine montpelliéraine Charles Renouvier avec qui il correspond, ainsi qu’avec François Pillon, un disciple de Renouvier, directeur de la revue La Critique philosophique*. Il réfléchit sur ce qu’on nomme l’épistémologie, autrement dit sur les conditions et les démarches de la connaissance en général et de la connaissance religieuse en particulier. Il fait des séjours d’études en Allemagne, en Angleterre, Écosse et Irlande. Il se montre très attentif à la vie religieuse concrète, à celle des étudiants français, pas seulement en théologie, qui se confient volontiers à lui et dont il devient l’accompagnateur spirituel (expression plus juste que celle de directeur de conscience ou de directeur spirituel). Il s’intéresse à l’expérience religieuse exubérante, de type pentecôtiste, qui se manifeste alors au Pays de Galles (il s’y rend pour observer et analyser ce qui s’y passe). Il est l’un des premiers à percevoir l’importance de la psychologie religieuse et à l’enseigner. Il cherche aussi à comprendre la spiritualité des non chrétiens et en 1907, à l’occasion d’un voyage au Japon pour un congrès d’étudiants chrétiens, il rencontre des bouddhistes, ce qui fait de lui un précurseur du dialogue interreligieux. Il a des horizons sans commune mesure avec ceux de la génération antérieure de professeurs, très provinciaux, qui vivaient, réfléchissaient et travaillaient à Montauban en vase clos.

C’est à ce moment où elle s’est redressée et a atteint un bon niveau universitaire que la Faculté va quitter Montauban pour Montpellier. Avec la séparation de l’Église et de l’État, elle est devenue un établissement d’enseignement supérieur privé qui ne dépend financièrement et administrativement que de l’Église Reformée*. Elle n’a plus besoin de l’accord du gouvernement pour changer de localisation. Pendant la guerre 14-18, la Faculté tourne au ralenti à Montauban (il y a peu d’étudiants*, trois professeurs ; la plus grande partie des locaux sont réquisitionnés pour un hôpital provisoire dépendant de la « Société de secours des blessés militaires »). L’armistice signé, après des discussions où plusieurs hypothèses sont envisagées, le synode de Neuilly, en juin 1919, choisit de la transférer à Montpellier*. La Faculté s’y installe en novembre 1919, après déménagement des archives, d’une partie de la bibliothèque et du mobilier, avec le même Doyen, le même corps professoral, mais avec des étudiants assez différents. Dix de ceux inscrits en 1914 sont morts au combat*, et parmi les inscrits de 1919, beaucoup reviennent du front, durement marqués par la guerre.

*   *   *

Dans l’histoire du protestantisme français, la page que je viens de retracer n’est pas la plus brillante ni la plus glorieuse. Elle me paraît cependant significative et instructive. Elle montre l’effort persévérant et continu des Églises Réformées, sorties exsangues du siècle de clandestinité et de persécutions, pour remonter la pente, pour se construire ou se reconstruire, pour aller de l’avant. Comme l’écrit en 1870, le Doyen Sardinoux, « rester stationnaire, c’est abdiquer »*. La Faculté de Montauban, partie de rien, a tâtonné, piétiné, frôlé l’échec, mais son histoire, avec ses hauts et ses bas, témoigne d’une volonté obstinée de ne pas se résigner à la stagnation, de ne pas se satisfaire de la médiocrité et d’atteindre, malgré les faiblesses et les insuffisances, un niveau honorable. En cela, elle donne un exemple caractéristique de l’esprit qui anime le protestantisme dans notre pays au dix-neuvième siècle.

André Gounelle
Études Théologiques et Religieuses, 2013,2

Documents annexes

1. Lettre du Doyen Frossard

Montauban, le 14 avril 1814*

Le Président du Consistoire Doyen de la Faculté de Théologie protestante de Montauban

à Monsieur … étudiant en théologie*,

Mon cher Disciple,

La Providence vient de rappeler notre Patrie à la tranquillité et au bonheur. Une constitution libérale, un Roi selon le cœur de tous les bons français, la liberté des cultes, la conservation de tous les établissements d’instruction publique, voilà le fondement de notre allégresse, de nos espérances, de nos bénédictions envers ce Dieu de miséricorde et d’amour qui a mis un terme à nos calamités et nous assure d’heureux jours dans le sein de la concorde et de la paix.

Venez donc, mon cher Disciple, venez reprendre le cours de vos études, que les dangers de la patrie purent seuls interrompre. Venez cultiver les lettres et la philosophie, venez vous préparer à remplir avec succès les saintes fonctions auxquelles vous vous destinez, sous l’aile titulaire d’un Monarque dont la solide piété et les hautes vertus protégeront généreusement tout ce qui tend à développer les principes d’une religion de charité et d’amour, à propager les maximes d’une morale conservatrice de l’ordre public, à inspirer enfin toutes les vertus qui constituent l’honnête homme et le bon citoyen*.

Les vacances que je vous ai données finissent le 18 de ce mois ; souvenez-vous de l’engagement que vous avez contracté par écrit d’être de retour à Montauban à cette époque, si la Providence rendait la paix à la France. Prouvez votre attachement à vos devoirs par votre empressement à reprendre vos études sous notre direction et agréez, mon cher Disciple, les vœux sincères et affectueux que tous vos professeurs, dont je suis l’organe, adressent au Ciel pour votre bonheur et celui de vos familles

Frossard

Veuillez affranchir vos lettres lorsque vous m’écrivez en ma qualité de Doyen de la Faculté

 

2. Inscription Larroque
Extrait des registres du Conseil de Faculté

15 novembre 1839

Monsieur le Doyen propose à la Faculté la question suivante :

Le sieur Larroque (Pierre) demande à prendre inscription comme élève de la Faculté. Il présente à l’appui de sa demande les pièces légales accompagnées de la recommandation du Consistoire de Montauban dont il relève. Ce jeune homme est né d’un commerce illégitime. Il a été reconnu par son père et habite avec lui. Le père et la mère ne sont pas mariés et l’un et l’autre demeurent à Montauban où ce jeune homme est né. L’irrégularité de sa naissance est connue du public. Dans cet état de choses, la Faculté doit-elle admettre ce jeune homme à prendre inscription ?

Après avoir mûrement débattu de cette question délicate, la Faculté prend l’arrêté ci-après :

La Faculté considérant d’une part,

- Que les dispositions personnelles du jeune Larroque n’ont rien que de fortement recommandables, et qu’on ne saurait le rendre responsable du malheur de sa naissance

- Que les seules objections que son admission puisse rencontrer sont d’une nature religieuse et morale puisque sa position civile est suffisamment garantie par l’acte de reconnaissance dont il est l’objet

- Que le Consistoire auquel il appartenait premièrement de prévenir, s’il y avait lieu, l’admission du jeune Larroque n’a pas cru devoir s’y opposer

considérant, d’autre part

- Qu’une Faculté de Théologie, bien qu’elle soit avant tout un corps universitaire, a cependant aussi, soit en principe, soit dans l’opinion publique un caractère religieux

- Que l’opinion ne pourrait manquer de faire un reproche à la Faculté de l’admission du jeune Larroque*

- Que la décision du Consistoire, qui a été prise sans que la Faculté ait été consultée, saurait d’autant moins lier celle-ci que c’est elle, non le Consistoire qui en portera la responsabilité devant l’opinion*

- Que le blâme que la Faculté s’attirerait en admettant le jeune Larroque serait doublement fâcheux dans un moment où elle cherche les moyens de rendre la discipline plus stricte et plus efficace*, d’accord avec l’autorité supérieure

- Que l’intérêt du corps doit passer avant celui de l’individu quelque recommandable que ce dernier puisse être*

- enfin, que le jeune Larroque, s’il a une vocation décidée pour la carrière du ministère, peut s’y préparer dans une autre Faculté et dans une localité où le scandale de sa naissance soit ignoré

arrête : Le Sieur Larroque (Pierre) ne sera point autorisé à prendre inscription.

29 décembre 1839

Monsieur le Doyen donne encore communication d’un arrêté du Conseil Royal de l’Instruction Publique qui réforme celui de la Faculté concernant le sieur Larroque. La copie de l’arrêté du Conseil Royal est accompagnée d’une lettre de Monsieur le Recteur de l’Académie, datée du 18 décembre 1839*.

 

 

3. Thèse Guitton
Extrait des registres du Conseil de Faculté

28 mai 1873

M. le professeur Nicolas a remis à M. le doyen la thèse de M. Guitton sur la résurrection de Jésus-Christ, thèse qu’il a signée comme président et qu’il trouve assez satisfaisante comme travail scientifique. Mais les conclusions et le ton général lui ont semblé de nature à compromettre en quelque mesure la faculté.

M. le Doyen* consulte le conseil. Pour lui, il trouve la thèse insuffisante au point de vue scientifique et il constate entre l’introduction et la conclusion une sorte de contradiction qu’il ne peut admettre.

M. Monod se préoccupe de la liberté des recherches scientifiques sans laquelle il ne saurait y avoir de théologie sérieuse …

MM. Bonifas et Bois*, tout en se préoccupant de la liberté des recherches estiment que notre Faculté étant un établissement ecclésiastique en même temps qu’une école scientifique il y a certaines limites au delà desquelles on ne doit pas se laisser entrainer sous peine de causer un scandale dans l’Église.

M. Pédézert rappelle que ce n’est pas la première fois que cette question se pose devant la Faculté et qu’il a déjà eu l’occasion de formuler son opinion sur ce sujet. Les professeurs sont les délégués de l’Église pour former des pasteurs. Ils relèvent de l’Église en même temps que de la science. Quand il s’agit d’une thèse publique qui peut être lue et commentée au dehors, il est certaines questions sur lesquelles on ne peut accepter toute espèce de résultats. Il est donc d’avis, comme MM. Bonifas et Bois, si la thèse est, en effet, ce qu’elle paraît être, que l’on prie M. Guitton de choisir un autre sujet.

M. Le Doyen demande que la thèse soit lue au Conseil. Cette lecture aura lieu vendredi prochain.

6 juin 1873

Lecture est faite de la thèse de M. Guitton.

M. Bonifas éprouve quelque embarras à se prononcer. Les conclusions de la thèse ne sont pas aussi explicites qu’il l’avait pensé. Ce qui lui paraît le plus grave, c’est la dernière phrase : « Ressuscité ou non, Jésus n’en reste pas moins le grand initiateur religieux de l’humanité ». Sans cette dernière phrase, M. Bonifas inclinerait à penser que la thèse pourrait être acceptée.

M. Monod est d’avis d’accepter la thèse. D’abord, parce qu’il estime que la question abordée par le candidat peut l’être dans une thèse, même si les conclusions ne sont pas conformes à la foi évangélique. En second lieu, parce que en l’état de division où se trouve aujourd’hui notre Église, la faculté ne peut se constituer le représentant exclusif de la tendance évangélique.

M. Bois estime que toutes les conclusions ne peuvent être acceptées par la faculté. Il y a une limite que lui impose son caractère de faculté chrétienne et protestante. Cette limite est dépassée toutes les fois que l’on attaque les faits fondamentaux et constitutifs du christianisme*. Or, c’est là ce que fait M. Guitton dans sa thèse. M. Bois est donc d’avis qu’on lui demande de changer de sujet.

M. Pédézert croit avec M. Bois que le caractère ecclésiastique de la faculté lui impose certains devoirs. Elle peut accepter la discussion de toutes les questions. Mais elle ne peut accepter sur certaines questions toute espèce de résultats. Mais il éprouve le même embarras que M. Bonifas et pour les mêmes motifs. Il serait d’avis de demander la suppression de la dernière phrase et d’accepter la thèse.

Quant à M. Nicolas, il n’a rien à dire. Il a signé la thèse comme professeur. Il laisse la faculté juge de la question si elle veut ou non la laisser imprimer*.

M. le Doyen remercie les collègues des avis qu’ils ont exprimés. Il persiste à croire qu’il vaut mieux que M. Guitton prenne un autre sujet*.

Études Théologiques et Religieuses

2013/2

 

Notes :

* Les archives de la Faculté de Montauban se trouvent à la bibliothèque de la Faculté de Théologie de Montpellier. La série des registres du Conseil (cités en note : Registres) ne commence qu’en 1815 (il a existé certainement au moins un registre antérieur). Un registre « assemblée des professeurs » (cité en note : Assemblée) va de 1886 à 1906 (j’ignore la différence entre cette assemblée et le conseil de Faculté ; leur composition est la même). Les rapports annuels des Doyens pour les séances d’ouverture (cités en note : Rapports) ne deviennent consistants qu’assez tard. Je remercie les bibliothécaires qui ont facilité mes recherches dans ces archives.

* Marianne Carbonnier-Burkard et Patrick Cabanel, Une histoire des protestants en France, Desclée de Brouwer, 1998, p. 123.

* Cf. Hubert Bost, « Les Académies Protestantes de Montpellier et de Montauban au 17° siècle », Études théologiques et religieuses,  n° hors série « Quatrième centenaire », 1996, p. 49.

* Daniel Robert, Les Églises Réformées en France (1800-1830), Presses Universitaires de France, 1961, p. 207 note 2. Cf. la lettre de Mestrezat dans Daniel Robert, Textes et documents relatifs à l’histoire des Églises Réformées en France (période 1800-1830), Droz et Minard, 1962, p. 152-153.

* Daniel Robert, Les Églises Réformées en France (1800-1830), p. 208-210.

* Daniel Robert a publié et annoté l’adresse du consistoire de Nîmes à Napoléon en date du 27 juin 1809, ainsi que la délibération du Conseil municipal de Nîmes, en date du 13 mai 1809, demandant l’installation d’une Faculté de Théologie dans leur ville dans Textes et documents relatifs à l’histoire des Églises Réformées en France (période 1800-1830), p. 166-168.

* Daniel Robert, Les Églises Réformées en France (1800-1830), p. 211-212.

* Michel Nicolas, Histoire de l’ancienne Académie protestante de Montauban (1598-1659) et de Puylaurens (1660-1685), Faculté de Théologie de Montauban, 1885. Hubert Bost, « Les Académies Protestantes de Montpellier et de Montauban au 17° siècle », art.cit,. p. 44-48.

* On peut encore voir dans les greniers de ce bâtiment (devenu maison de retraite) des inscriptions venant de captives.

* Ainsi, ceux des fonds Courtois de Maleville (1875) et Vielles (1906). La Faculté a également acquis une partie de la bibliothèque de Samuel Vincent. Voir Histoire et richesses de la Bibliothèque de théologie protestante de Montauban, Service interétablissement de coopération documentaire de Toulouse, 2007.

* Le baccalauréat es lettres vient juste d’être instauré par un décret du 17 mars 1808 (jusqu’en 1830, l’examen est oral et ne comporte pas d’épreuves écrites); il est exigé pour obtenir le diplôme (nommé aussi baccalauréat) en théologie, mais pas, jusqu’en 1828, pour s’inscrire à la Faculté.

* Voir les notices que lui consacrent N. Recolin dans F. Lichtenberger (dir.) Encyclopédie des Sciences religieuses, Sandoz et Fischbacher, 1877-1882, t.5, p. 345-346 et D. Robert dans A. Encrevé (dir.), Les protestants, Beauchesne, 1993, p. 206-207.

* L’université d’Oxford a cependant conféré à Frossard un doctorat en droit à titre honorifique à cause de son combat contre l’esclavage.

* Frossard, qui conserve sa chaire de professeur, remplit les fonctions de « Doyen provisoire » en 1818 et 1819 lors de la maladie, puis après la mort de D. Encontre.

* Auguste Sardinoux, Mémoire universitaire et ecclésiastique sur la Faculté de Théologie protestante et le séminaire de Montauban, Fischbacher, 1888, p. 29.

* Cf. Jean Pédézert, Souvenirs et études, Grassart, 1888, p.124. Jusqu’en 1890, les étudiants en théologie sont exemptés de service militaire ; la Faculté pose alors la question d’un sursis d’incorporation pour ne pas interrompre les études (Rapport 1890).

* Il y a une chute passagère dans les années 1877-1879. Cette baisse est probablement due à l’ouverture de la Faculté de Théologie de Paris. Voir Auguste Sardinoux, op. cit.  p. 428 et Registres 28 janvier 1878. Le Rapport de 1883 constate que cette diminution a été passagère. Chute, également vite compensée, dans les années qui suivent la séparation des Églises et de l’État (Rapport, 1913).

* Auguste Sardinoux, op.cit. p. 47. La Revue Théologique de 1874 donne les chiffres suivants : entre 1840 et 1850, une moyenne de 9 nouvelles entrées chaque année ; entre 1850 et 1860 de 11 ; entre 1860 et 1870 de 15 ; entre 1870 et 1874 de 13.

* Ce n’est que dans les années 20 que commencent à se présenter à la Faculté des étudiants titulaires du baccalauréat et ils sont en minorité. Dans une lettre, Cuvier écrit que l’auditoire de philosophie a servi d’ « école préparatoire pour le baccalauréat es lettres ».

* Des lettres du Grand Maitre de l’Université Impériale (Fontanes) en date du 29 mars et du 7 septembre 1810 précisent que si la Faculté de Théologie a l’autorisation de préparer au baccalauréat es lettres, seules les Facultés de Lettres ont le droit de décerner le diplôme. Les étudiants de Montauban devront donc se rendre à Toulouse pour passer l’examen (le registre signale le 1 juillet 1822 ceux qui le font cette année-là). Il semble que jusqu’en 1828, la Faculté a décerné un « certificat d’aptitude à l’examen du baccalauréat » (cf. Registres, 20 mars 1828) qui permettait de s’inscrire à l’auditoire de théologie. Après 1830, l’auditoire de philosophie change de nature, il devient un premier cycle de théologie.

* Les protestants estimaient que les établissements secondaires, sous influence catholique, leur étaient hostiles. En 1829, Cuvier considère que l’accueil d’étudiants qui ne se destinent pas à la théologie est « un inconvénient grave » et le Conseil de Faculté qu’il est « désavantageux à la discipline et au bon ordre » (Registres, 20 mars et 1 novembre 1829).

* Voir Charles Dardier, Esaïe Gasc, citoyen de Genève. Sa politique sa théologie, Sandoz et Fischbacher, 1876, p. 306 (la délibération du conseil que cite Dardier devait se trouver dans un registre aujourd’hui perdu, voir note 1). En 1817 (Registres du 19 avril), en réaction à des propos venant de Suisse (sans doute en écho de l’affaire Gasc), les professeurs affirment leur attachement aux doctrines protestantes traditionnelles. En 1824, le jury formé pour la nomination de professeurs exige des candidats qu’ils signent une déclaration de stricte orthodoxie (deux de ses membres, S. Vincent et G. Floris, expriment leur désaccord).

* Auguste Sardinoux, op.cit. p. 60. Vincent avait refusé d’enseigner à Montauban et Guizot avait envisagé qu’il soit le Doyen d’une éventuelle Faculté de Théologie à Paris.

* Quand, à la suite de la disparition de l’Université des Facultés de Théologie catholiques, les Facultés protestantes sont à leur tour menacées par un vote du Parlement, les professeurs soulignent ce non parallélisme (Assemblée, 26 décembre 1894).

* Une analyse plus fine conduirait à distinguer dans cette période différents moments. Elle présente cependant, me semble-t-il, une unité suffisante pour qu’on puisse la traiter en bloc.

* Voir Rapport de 1885. Jean Monod (Quelques explications sur ma révocation des fonctions de directeur du Séminaire protestant de Montauban, Imprimerie A. Chauvin, 1868,  p. 21) écrit qu’il s’agit d’un « séminaire aussi peu séminaire que possible ».

* Registres, 13 et 17 décembre 1847, 27 novembre 1848, 10 février et du 23 décembre 1868. Auguste Sardinoux, op.cit., p. 135, 194. Jean Monod, op. cit., p. 5 note.

* Auguste Sardinoux, op.cit.p. 170-172, 250-251.

* cité d’après André Encrevé, Protestants français au milieu du XIX° siècle, Labor et Fides, 1986, p. 981 ; la citation se trouve aussi dans A. Sardinoux, op. cit. p. 112.

* Cf. Auguste Sardinoux, op.cit. p. 64-84, 115-118, 347-368. Jean Pédézert, Cinquante ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, 1830-1880, Fischbacher, 1890, p. 62-65. Toutefois, en 1898, les professeurs souhaitent le maintien à Montauban (Assemblée, 1 novembre).

* Cf. Auguste Sardinoux, op.cit, p. 80, 82, 359-360, 375.

* Auguste Sardinoux, op.cit. p. 132-133. Cf. p. 112.

* « Le conseil presbytéral a toujours fait la guerre à la Faculté… » écrit Auguste Sardinoux, op.cit., p. 192 note. Dans un rapport synodal de 1917 (conservé dans les archives de la Faculté de Montpellier), P. Bonneville mentionne la difficulté des rapports entre la Faculté et la paroisse.

* Edmond Stapfer, « Souvenirs de Montauban 1864-1868 », Revue Chrétienne, 1897, p. 127-129.

* Auguste Sardinoux, op.cit., p. 149-150. Quand en 1869, on rétablit ce culte, la Faculté redoute les réactions de la paroisse (Registres, 22 décembre). En 1901, il y a aussi une tension dont les archives n’indiquent pas le motif (Registre, 30 mai).

* Auparavant, les chaires étaient mises au concours : les candidats étaient classés à l’issue d’examens écrits et oraux passés devant un jury, où siégeaient des pasteurs en plus des professeurs de la Faculté. Dans les registres du Conseil, on trouve en 1819 et en 1824 le règlement de concours pour la nomination de professeurs et le procès-verbal de son déroulement. En 1830, un concours prévu et annoncé est annulé, et il n’y en a plus ensuite.

* Cf. André Encrevé, Protestants français au milieu du XIX° siècle, p. 981. Ainsi, en 1855, pour la chaire d’hébreu, Albert Réville, futur professeur au Collège de France, est écarté (Cf. Jean Pédézert, Cinquante ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, 1830-1880, p. 267).

* Daniel Bolliger, «  Aperçu de l’histoire de la Faculté de Théologie de Montauban » in Histoire et richesses de la Bibliothèque de théologie protestante de Montauban, p. 17.

* La Faculté veille au conformisme des travaux d’étudiants. Elle se demande si elle doit accepter une thèse (ainsi nomme-t-on le mémoire de fin d’études) qui s’écarte de ce que pensent les Églises. Voir les débats du conseil de Faculté du 13 juin 1856 (où les professeurs hésitent non pas à cause de la mauvaise qualité du travail que tous signalent, mais à cause de l’approche historico critique, pourtant modérée et que quelques-uns approuvent ; ils craignent visiblement qu’elle n’effarouche les églises qui en auraient connaissance) ; du 13 juillet 1858 ; et du 2 juin 1873 (où plusieurs professeurs demandent à un étudiant de modifier la phrase suivante : « ressuscité ou non, Jésus n’en reste pas moins le grand initiateur religieux de l’humanité »). De même en 1863, on demande à A.  Sabatier de supprimer certains passages de sa thèse (John Vienot, Auguste Sabatier, t.1., Fischbacher, 1927, p. 163). En novembre 1868, ce sont le rectorat et le ministère qui font savoir à la Faculté qu’ils regrettent qu’elle ait accepté une thèse préconisant la séparation des Églises et de l’État.

* Il s’agit probablement d’Adolphe Monod et d’Ernest Bonifas ou de Charles Bois (voir Edmond Stapfer, art.cit., p. 41, p.113 ; Wilfred Monod, « Adolphe Monod, professeur à la Faculté de Montauban (1836-1847) », Bulletin de la Société d’histoire du protestantisme français, 1936, p. 146-148 ; Adolphe Monod , t. 2, Choix de lettres, Fischacher 1885, p. 268). Cf. la lettre de Edouard Reuss publié par John Vienot, Auguste Sabatier, t.1., p. 81.

* Cf. Registres du conseil de Faculté, 1837. A. Monod parle du « rude apprentissage auquel je suis condamné pour les trois premières années durant lesquelles il faut que je compose mes cours » Adolphe Monod , t. 2, Choix de lettres, p. 256. Dans un rapport universitaire du 13 novembre 1857, le Doyen Montet écrit : « nos cours … doivent nécessairement se répéter après d’assez courtes périodes ». En 1869, Jean Monod, op.cit., p.28 considère qu’après trois ans, son « cycle de cours » est « terminé » et qu’il est désormais beaucoup moins chargé.

* La Faculté était « extraordinairement stérile », écrit Edmond Stapfer, art. cit., p. 46.

* Registres, 31 juillet 1844, 11 décembre 1846. Les demandes d’augmentation se succèdent : Registres, 15 avril 1853, 8 juillet 1854, 6 janvier 1855, 31 mai, 31 juillet, 3 septembre 1856, 5 janvier 1857 ; une augmentation est accordée en octobre 1869. Elles reprennent en 1870 (Registres, 4 mars et 4 avril ; une augmentation est accordée le 13 mai), puis en 1876 (28 février et 3 juin), en 1881(11 mars).

* Les cours de Michel Nicolas ont été déposés par sa famille à la bibliothèque de la Faculté de Théologie de Montpellier.

* Jean Pédézert, Cinquante ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, 1830-1880, p. 68-69. Pédézert, sous un irénisme apparent, tient des propos souvent mordants.

* Edmond Stapfer, art. cit., p. 46. Notons cependant l’hommage rendu à M. Nicolas qui venait de mourir dans le Rapport de 1886 ; aucun des professeurs de Montauban, à l’exception de J. Pédezert en 1905, n’a fait l’objet, à sa mort, d’un hommage aussi appuyé.

* Jean Pédézert, Cinquante ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, 1830-1880, p. 293.

* L’Encyclopédie des Sciences religieuses (F. Lichtenberger, dir.) et Les protestants, (A. Encrevé, dir.), Beauchesne, 1993, consacrent des notices à la plupart de ces professeurs.

* cité d’après la notice « Felice (de) Guillaume » dans A. Encrevé (dir), Les Protestants,  p. 200.

* Jean Pédézert, Souvenirs et études, p. 126. Les cours de Jalaguier ont été publiés par son petit-fils en quatre gros volumes cinquante ans après avoir été professés et plus de trente ans après sa mort. Comme le note finement Jean Monod (Vie nouvelle, 30 juin 1897), ces cours témoignent de l’orthodoxie moyenne de son temps plus qu’ils ne contribuent au mouvement des idées et aux débats théologiques qui s’amorcent. A. Sabatier, qui appréciait la personnalité et la piété de Jalaguier, trouvait sa théologie « insuffisante et fragile » et ne cache pas la « grande déception » que lui laissent ses cours. (J. Vienot, op.cit. p.155-161. Voir également, B. Reymond, Auguste Sabatier et le procès théologique de l’autorité, L’Age d’Homme, 1976, p.46). Cf. la notice nuancée de N. Recolin dans Encyclopédie des Sciences religieuses, t. 7, p. 141-143.

* Jean Pédézert, Souvenirs et études, p. 53, 58.

* Edmond Stapfer, art. cit., p. 47.

* Edmond Stapfer, art.cit. , p.122.

* Rapport des travaux de la Faculté au Conseil Académique, 13 novembre 1857, p. 3 et 4.

* Sont exigés pour s’inscrire le baccalauréat es lettres et une recommandation du consistoire dont relève l’étudiant. Des critères de respectabilité, telle qu’on la comprenait alors, jouent ; ainsi en novembre 1839, l’inscription d’un étudiant montalbanais est refusée parce qu’il est né hors mariage. Le Conseil précise qu’il n’en est responsable en rien, mais sa situation étant connue à Montauban, son inscription nuirait à la réputation de la Faculté ; on lui conseille de s’inscrire dans une autre Faculté. Le Conseil Royal de l’Instruction Publique casse cette décision et l’étudiant aura l’autorisation de s’inscrire et poursuivra ses études à la Faculté de Montauban

* Les plaintes commencent dès le début ; voir Auguste Sardinoux, op.cit., p. 35-36. Déjà, au dix-septième siècle, on se plaint des étudiants de l’ancienne Académie de Montauban (Cf. Hubert Bost, art. cit., p 47-48) ; dans la période 1805-1809, des problèmes de discipline se posent au Séminaire de Lausanne (Cf. Daniel Robert, Textes et documents relatifs à l’histoire des Églises Réformées en France (période 1800-1830), p. 252-253).

* Cf. Wilfred Monod, Après la journée, Grasset, 1938, p. 75 ; je raconte cette anecdote d’après la version, légèrement différente, qu’en donnait Jean Cadier. J’ai l’impression que le milieu étudiant se l’est transmise de génération en génération sans qu’on puisse en déterminer le point de départ ; en tout cas, vraie ou non, elle est significative comme l’est une caricature.

* Registre du Conseil, 13 juin 1866. Cf. Edmond Stapfer, art. cit., p. 117. En juillet 1866, neuf étudiants sont exclus de la Faculté ; le registre n’indique pas les motifs précis de ces lourdes sanctions. Dans une phrase, à vrai dire très allusive, Jean Monod (op.cit, p 8, 11-12) les attribue à « certains désordres dont se préoccupait l’opinion publique [et] qui alarmèrent l’autorité ». En 1868, suite à ces événements, Jean Monod est révoqué de ses fonctions de directeur du séminaire (mais pas de professeur de la Faculté).

* Registre, 16 mars 1868. La sanction sera la suppression de deux trimestres de bourse.

* Registre, 1 avril 1867. La Faculté ne semble pas prendre très au sérieux ce fait.

*À ces interdictions, s’ajoute en 1898 celle d’assister à des courses de taureaux organisées à Montauban (Assemblée, 24 juin).

* Dans la plupart des cas, la sanction consiste en la perte d’un trimestre. Des sanctions sont prises contre des étudiants qui sont allés au café ou au spectacle (« à la comédie ») en 1816, 1821, 1824, 1826, 1827. Ensuite, chaque année, le conseil avertit ou sanctionne des étudiants pour leur mauvaise conduite ; cela va de l’absentéisme au cours jusqu’à l’ivresse, du fait de fumer dans la rue à la rixe sur la voie publique ; souvent on ne précise pas en quoi consiste exactement la faute, on parle de « conduite déréglée » et d’ « actes notoires d’immoralité ». À partir de 1890, les sanctions deviennent rares et portent surtout sur des absences non motivées.

* Le 3 août 1884, un journal montalbanais titre : « Un scandale à la Faculté de Théologie Protestante ». Le Doyen, estimant la Faculté calomniée, porte plainte et le journal est condamné (Rapport, 1884).

* En 1869 (Registres, 7 janvier 1869), le Garde des Sceaux (chargés alors des cultes) signale au ministre de l’instruction publique qu’il importe « de relever, s’il est possible, par une meilleure discipline générale et par le travail la réputation du séminaire que la conduite de plusieurs étudiants … a compromise au point de rendre douteuse la nécessité de son existence ».

* Cf. Edmond Stapfer, art. cit., p. 40. Cf. Wilfred Monod, Après la journée, Grasset, 1938, p. 75 ; les souvenirs de W. Monod datent des années 1888-1890, donc plus tard que la période que nous envisageons dans ce paragraphe ; le déficit de travail étudiant a donc duré. Si W. Monod est sévère pour ses camarades étudiants (avec, sans doute, un puritanisme et un piétisme excessifs), il est, par contre, très positif envers ses professeurs (p. 76), ce qui confirme le redressement signalé dans le paragraphe suivant.

* Auguste Sardinoux, op.cit,, p.188 ; cf. p. 195.

* Rapport de 1866 de l’inspecteur d’Académie, cité par André Encrevé, Protestants français au milieu du XIX° siècle, p. 984. 

* Cf. Registres, 26 juillet 1856. De Félice déclare : « nous sommes trop faciles pour l’admission aux grands examens ; il faudrait devenir plus sévères. »

* Cf. Auguste Sardinoux, op.cit., p. 163 et Jean Monod, op.cit.

* Sur Sabatier, voir Bernard Reymond, Auguste Sabatier, un théologien à l’air libre (1839-1901), Labor et fides, 2011 et John Vienot, Auguste Sabatier, t.1. La jeunesse, 1839-1879. Fischbacher, 1927 (les chapitres 4 et 5 portent sur les études de Sabatier à Montauban).

* D’autres facteurs expliquent également l’attrait pour Genève. Longtemps cette Faculté n’a pas exigé pour l’inscription de français qu’ils aient obtenu le baccalauréat es lettres. La Faculté de Montauban demande que les étudiants sortis de Genève ne soient reçus comme pasteurs en France que s’ils sont titulaires de ce baccalauréat pour que ses propres étudiants ne soient pas désavantagés et pour qu’il n’y ait pas un privilège en faveur de Genève. De plus, Genève disposait de bourses françaises (payées grâce à des fonds réunis pendant la période de persécution) au montant supérieur à celui des bourses accordées par l’État aux étudiants de Montauban (Registres, 22 juillet 1838, 23 février 1843, 31 juillet 1844).

* Auguste Sardinoux, op. cit.,  p. 381

* La Faculté avait publié, sous le même titre, une revue en  1841-1842. En 1872, elle fait paraître un Bulletin qui deviendra en 1874 Revue de Théologie. Voir Jean-Marc Prieur, « Les revues des Facultés de Montauban et de Montpellier », Études théologiques et religieuses,  n° hors série « Quatrième centenaire », 1996.

* Par exemple, C. Gide qui vient presque chaque année, C. Bouglé, Armand Sabatier,  G. Frommel, C. Wagner, N. Weiss, Alfred Bœgner, C. Babut, B. Couve, W. Monod, E. Gounelle (ces deux derniers sont d’anciens étudiants de Montauban), etc. Voyages et séjours sont financés par un « comité pour l’encouragement des études » qui devient en 1907 « association des amis de la Faculté ».

* XXX° Synode général de l’Église Réformée de France. Procès verbaux et actes, vol. 1, Imprimerie de E. Martinet, 1873, p. 372-373, 375-382, 420. Jean Pédézert, Cinquante ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, 1830-1880, p. 466-469.

* A. Sardinoux s’y réfère indirectement, op.cit.,  p. 416.

* op.cit., p. 379, p. 408-410, 413.

* Déjà, en 1835, les professeurs se plaignent d’être les objets de « jugements sévères et … injustes » (lettre au ministre du 30 juillet 1835). 

* La séparation des Églises et de l’État contribue à rapprocher les deux Facultés ; devenues libres, elles se concertent, se consultent et cherchent à harmoniser leurs pratiques (Registres, 14 décembre 1908).

* Le Conseil de Faculté de Montauban le souligne au moment de sa mort (Registres, 14 décembre 1908).

* Les Rapports des Doyens font plusieurs fois allusion à cette éventualité à partir de1885. En 1906, à la séance de rentrée, le pasteur Lacheret, président de l’Union nationale des Églises Réformées Évangéliques dit qu’on s’y était préparé depuis vingt ans.

* Émile Doumergue, L’Académie et la Faculté de Montauban 1598-1809-1906, édité par la Faculté, 1910, p. 57.

* Jean Pédézert lui-même le reconnaît, Cinquante ans de souvenirs religieux et ecclésiastiques, 1830-1880, p. 45.

* Rapport 1908.

* Encore en 1890, le Recteur de Toulouse vient à Montauban pour réprimander publiquement un étudiant qui avait publié un texte s’en prenant à un professeur (Assemblée, 4 février).

* Ce folklore est resté en place dans ses grandes lignes jusque dans les années 1950-1960.

* En 1871 est évoquée pour la première fois la possibilité de cours donnés par des professeurs de la Faculté de Science de Toulouse (Registres, 8 mai 1871). Le Doyen Sardinoux va en ce sens dans un rapport de 1873, op. cit. p. 334-335 ; cf. p. 342. Voir également Registres 9 avril, 28 juillet, 4 décembre 1874, 2 mars 1892 (à l’occasion d’une révision de l’intitulé des chaires). Henri Clavier, dans les Actes du 96ème congrès national des sociétés savantes (Toulouse 1971), t. 2, Bibliothèque nationale, 1976, estime que cette chaire est un legs de l’Académie du dix-septième siècle. Je n’ai rien trouvé qui puisse corroborer qu’il y ait eu filiation.

* Durant l’année scolaire 1884-1885, le Pr. Armand Sabatier donne à la Faculté des conférences très favorables à la théorie de l’évolution qui ont été bien accueillies et en 1899, F. Leenhardt en traite dans la leçon d’ouverture.

* Voir sur ces professeurs les notices dans André Encrevé (dir.), Les protestants.

* Voir la description qu’en donne Michel Nicolas, Histoire de l’ancienne Académie protestante de Montauban (1598-1659) et de Puylaurens (1660-1685), p. 22-25.

* H. Bois, « La prédestination d’après Calvin », Revue de Métaphysique et de Morale, 1918, p. 669, 674.

* Cette correspondance (ainsi que les cours de H. Bois) a été déposée à la bibliothèque de la Faculté de Théologie de Montpellier.

* Le passage de l’Université d’État à l’enseignement supérieur libre a posé des problèmes techniques (voir Assemblée du 18 mars 1905), les plus difficiles concernant la bibliothèque, mais la vie de la Faculté se continue sans à-coup apparent (voir Registres de 1906). L’Union nationale des Églises Réformées Évangéliques la prend immédiatement en charge et ne diminue pas ses moyens. Les professeurs de Montauban ne mettent pas en cause la séparation des Églises et de l’État ; par contre ils regrettent que l’Université laisse tomber le vaste champ d’études bibliques et chrétiennes. Ils estiment que culturellement ils étaient à leur place dans l’Université et que leur départ l’appauvrit. (Rapports 1905, 1906).

* 12 en 1914, 7 en 1915, 17 en 1916, 12 en 1917.

* En 1906, malgré les objections d’A. Westphal, les professeurs se prononcent pour le transfert à Montpellier. Quand la décision est prise, trois professeurs (Arnal, Bruston, Perrier ; Westphal a quitté la Faculté en 1908) expriment des réserves (Registre, 1 juillet 1919).

* Voir la brochure éditée par la Faculté en 1919, À la mémoire des étudiants en théologie de la Faculté de Montauban morts pour la France, 1914-1918. Une photographie d’une plaque commémorative, aujourd’hui disparue, se trouve dans la brochure, Inauguration solennelle, éditée par la Faculté de Théologie Protestante de Montpellier en 1920, entre la p. 34 et la p. 35.

* Auguste Sardinoux, op.cit., p. 264. Dans son discours de rentrée en 1880, le Doyen (Charles Bois) déclare que l’histoire de la Faculté « est celle d’un effort constant vers le progrès ».

* Cette date (au tout début de la première Restauration) m’a étonné. Frossard est bien informé et a été très rapide. La déchéance de l’Empereur est proclamée le 2 avril et Napoléon abdique le 6 avril 1814. La constitution dont il s’agit est probablement la « constitution sénatoriale » (constitution dite « des rentes ») que Louis XVIII devait refuser en mai ; ce n’est pas la « charte » qu’il promulgue le 4 juin 1814.

* Il s’agit d’une lettre circulaire imprimée. L’exemplaire conservé à la Bibliothèque de la Faculté de Théologie de Montpellier porte, écrit à l’encre, le nom de Jalaguier qui est l’un des destinataires. Il s’agit vraisemblablement de Prosper Jalaguier, futur professeur de la Faculté de Montauban.

* Le signataire, Frossard, a un passé républicain et bonapartiste qui le rendra suspect à la monarchie restaurée et lui coûtera (ou contribuera à lui coûter) sa place de Doyen (mais pas celle de professeur). Tout au long du siècle, le Conseil de Faculté exprime sa loyauté aux divers régimes politiques qui se succèdent dans des adresses très élogieuses, et les professeurs leur prêtent serment (comme on le demande à tous les fonctionnaires).

* Visiblement, la Faculté a peur pour sa réputation, c’est le seul motif d’un refus dont elle perçoit l’injustice.

* Cette phrase reflète-t-elle les relations parfois (mais pas toujours) tendues entre la Faculté et le Consistoire ? C’est très possible.

* La discipline a toujours été un problème à Montauban.

* En lisant cette phrase, que je trouve choquante, je n’ai pas pu m’empêcher de penser d’une part à Jn 11, 50, d’autre part à l’Affaire Dreyfus, à la fin du siècle, où ce principe sera plusieurs fois invoqué contre la révision.

* J’ignore qui a saisi le Conseil Royal et je n’ai trouvé dans les archives de la Faculté ni l’arrêté ni la lettre. Pierre Larroque s’est inscrit et a poursuivi normalement ses études à la Faculté de Montauban.

* Le Doyen est Auguste Sardinoux, très au fait de l’exégèse critique allemande, soucieux de rigueur scientifique, mais aussi fermement orthodoxe ; il avait la réputation de toujours conclure les argumentations critiques en montrant qu’elles confortent les thèses orthodoxes.

* Il y a eu parmi les professeurs du 19ème siècle plusieurs Monod, plusieurs Bonifas et plusieurs Bois. Il s’agit ici de Jean Monod, de François Bonifas et de Charles Bois.

* Charles Bois a rédigé et défendu au synode de 1872 la Confession de foi qui y a été votée par la majorité. Cette confession déclare que l’Église réformée « maintient, à la base de son enseignement, de son culte et de sa discipline les grands faits chrétiens … ». La référence aux « faits », fréquente chez les théologiens de Montauban, exprime bien la pensée orthodoxe large ou modérée de cette époque : elle accepte qu’il y ait plusieurs interprétations possibles, mais pas une mise en cause des « faits chrétiens ». En 1890, C. Bois répondit à A. Sabatier qui avait dénoncé la fragilité de cette théologie des « grands faits chrétiens » (voir Esquisse d’une philosophie de la religion d’après la psychologie et l’histoire, Fischbacher, 1901, p. 289-290).

* Cette attitude est caractéristique de M. Nicolas, qui se tient volontiers à distance avec sans doute un peu de mépris pour ses collègues.

* Il n’est plus question ensuite dans le registre des Conseils de Faculté de la thèse de P. Guitton. Dans la collection des thèses de Montauban, on ne trouve pas trace de cette thèse et on constate que P. Guitton a soutenu en février 1874 une thèse intitulée Étude de l’Octavius de Minucius Felix. Il a donc suivi le conseil du Doyen.

 

 

feuille

 

André Gounelle

Professeur émérite de la faculté de théologie protestante de Montpellier

Webmaster : Marc Pernot