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Symbole

 

Qu’est-ce qu’un symbole ?

À cette question, un spécialiste, le philosophe allemand Cassirer répond : il y a symbole quand du spirituel est représenté par du sensible. Chaque terme de cette définition appelle des précisions.

D‘abord, par « spirituel », il ne faut pas entendre seulement le religieux. Ce mot désigne également ce qui relève de l’esprit (des idées, des intuitions, des convictions), du sentiment (l’amour, la haine, la confiance, le soupçon) et des valeurs morales ou sociales (la liberté, la justice, l’honnêteté).

Ensuite, « représenter » signifie donner une image de quelque chose (par exemple, un peintre représente sur une toile des fleurs ou un paysage), mais aussi « rendre présent » ce qui est absent (on dit qu’un ambassadeur représente son pays parce qu’il en assure la présence en dehors de son territoire).

Enfin, est « sensible » ce qui tombe sous un de nos cinq sens, autrement dit ce que nous pouvons toucher, voir, entendre, goûter ou sentir. Le sensible relève du « matériel » ou du « concret », alors qu’il y a toujours de l’abstrait dans le spirituel (le saisir demande un effort ou un travail de l’esprit).

Positivisme et spiritualisme

Pour que les symboles, ainsi définis, aient de la vérité et fonctionnent, deux conditions sont nécessaires.

D’une part, il faut qu’il existe autre chose que du sensible. Si la réalité se réduit à ce qui se touche, se voit, se mesure, se pèse ou se compte, il y aura sans doute des signes (un objet qui en représente un autre, ainsi un panneau de circulation routière qui signale un tournant), mais pas de symboles : le spirituel étant inconsistant, il n’y a rien à représenter. Parler de symbole implique que l’être humain ne vit pas seulement de pain, mais aussi de paroles, de pensées, de sentiments et d’idéaux.

En second lieu, il faut que le sensible soit capable de « représenter » le spirituel, autrement dit qu’il n’y ait pas incompatibilité entre les deux domaines. Divers courants religieux et philosophiques ont nourri le désir et la recherche d’un monde d’idées immatérielles et de sentiments « platoniques » qui serait « pur » parce que délivré et indépendant des formes sensibles. Ils accusent le symbole de masquer, de déformer ou de défigurer le spirituel en voulant le représenter par ce qui lui est étranger, voire contraire.

Le symbole est à la fois spiritualiste et positiviste. « Spiritualiste » puisqu’il implique qu’il y a quelque chose d’autre que la réalité brute ; « positiviste » puisque ce quelque chose s’inscrit dans les faits, se manifeste par le concret. Le sensible ne représente, certes, jamais totalement et parfaitement le spirituel, mais il lui donne réalité et existence, il lui confère une forme et un visage sans lesquels il serait éthéré et évanescent.

« Tu ne te feras pas d’images »

En interdisant les « représentations » du divin, le Décalogue ne condamne-t-il pas le symbole religieux ? Je ne le pense pas. À mon sens, il faut comprendre ainsi le commandement : « tu ne te feras pas de représentations pour les adorer et leur rendre un culte ». Ce n’est pas l’utilisation de symboles, mais leur divinisation qui est refusée. Quand on ne distingue plus Dieu de ce qui le représente, on tombe dans l’idolâtrie.

Le christianisme a toujours utilisé des symboles. On peut même dire que, comme toute religion, il est foncièrement symbolique, car il a pour fonction de rendre Dieu présent dans nos vies, de faire entendre la parole divine dans un langage humain, de structurer l’existence croyante au moyen de rites, de pratiques, de doctrines qui la rendent effective et qui en font autre chose qu’une rêverie sans réalité.

Mais les symboles risquent toujours de devenir des idoles, c’est-à-dire des objets qui prennent la place de Dieu. La Réforme y a été particulièrement sensible et a réagi contre l’excès de symboles du Moyen Âge. Ainsi, Zwingli et Calvin non seulement ôtent des temples peintures et sculptures, mais ils détournent d’y placer ces « images taillées » que sont les croix. Tout autant que d’expressions et de représentations, la foi a besoin de vide, de silence, de dépouillement et de purification. La spiritualité se dit, prend forme et se vit dans des symboles, mais attention à la superstition et l’idolâtrie qui les menacent toujours. Si Dieu se manifeste dans le sensible, il ne se confond jamais avec ce qui le manifeste.

Le protestantisme a-t-il trop cultivé le « vide sacré », comme on le lui a parfois reproché ? Peut-être ; incontestablement, de par sa nature, l’être humain a besoin de symboles pour exprimer, communiquer et vivre sa foi. Il importe cependant de les employer avec retenue et discernement (tous ne conviennent pas pour dire Dieu) et surtout d’éviter de les sacraliser (en leur donnant une valeur absolue). Ils sont à la fois indispensables et dangereux. Il ne faut ni les éliminer, ni les utiliser sans précautions. Dieu est à la fois présent, proche et différent, au-delà de toute représentation.

André Gounelle
(Le Cep, mars 2008)

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André Gounelle

Professeur émérite de la faculté de théologie protestante de Montpellier

Webmaster : Marc Pernot